Plateau latéritique en voie de démantèlement par l’érosion du Craton Ouest Africain (Bassin des Iullemmeden, République du Niger. © D. Chardon/IRD

Quand la séparation Afrique-Amérique du Sud modifiait l’érosion continentale

Résultat scientifique Terre Solide

Les terres émergées en dehors des chaînes de montagnes représentent plus de 60 % des continents émergés. Malgré leurs faibles reliefs et érosion, ils contribuent pourtant significativement aux flux de sédiments exportés vers l'océan. Cependant, contrairement à celle des chaînes de montagnes, leur capacité d’export n’est que rarement étudiée et n’a jamais été complètement quantifiée. Ceci constitue un biais majeur dans les bilans d’érosion globaux qui sont pourtant fondamentaux pour comprendre les liens entre climat, reliefs et cycles biogéochimiques à l’échelle globale.

Pour rectifier ce biais, une équipe multidisciplinaire incluant des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré), a réalisé la première estimation du bilan érosion-sédimentation hors chaîne de montagnes, pour l’Afrique de l’Ouest subsaharienne. L’étude fournit le premier dimensionnement réaliste des vitesses d’érosion des domaines continentaux « stables ». L’équipe a estimé l’érosion du domaine source à partir de l’histoire thermique1  d’échantillons répartis sur la zone d’étude. Elle a également estimé les volumes de sédiments contemporains accumulés dans les bassins de l’Atlantique équatorial à partir de nombreuses coupes géologiques régionales restituant la géométrie des dépôts jusque vers les fonds abyssaux.

Cette étude montre que toute la zone source s’érode très lentement depuis 150 Ma (5m/Ma en moyenne). La seule exception a été la formation puis l’érosion des reliefs du rift de l’Océan Atlantique équatorial qui accélère l’érosion d’une frange côtière de 100-200 km de large (> 50 m/Ma) vers 100 Ma. Après la séparation des continents, les vitesses d’accumulation dans les bassins varient par d’autres processus. Au Crétacé supérieur (90-66 Ma), l’allongement des fleuves côtiers par migration de la ligne de partage des eaux augmente les flux sédimentaires vers ces bassins. Au Paléogène (66-34Ma), l’installation d’un climat global chaud et humide à effet de serre marqué (greenhouse) favorise la rétention de sédiments dans d’épais profiles de sols forestiers (latérites) et fait chuter l’accumulation dans les bassins. Au Néogène (depuis 34 Ma), la croissance de reliefs régionaux dû à des points chauds (massif du Hoggar) et le retour à un climat favorable à l’érosion (icehouse) re-augmente l’accumulation.

  • 1Thermochronologie basse température

Laboratoires impliqués

Laboratoire du CNRS-INSU : 

  • Laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET -OMP)

Tutelles : CNRS / CNES / IRD / UT3 Paul Sabatier

Autres laboratoires : 

  • Département de la recherche de TotalÉnergies 
  • Université de Glasgow
© Référence

Légende

a) Carte des systèmes de rifts Africains et Sud-Américains (en vert) autour de 120 Ma pendant l’éclatement du continent Gondwana. b) Carte paléogéographique de la zone d’étude (Afrique fixe) à l’Aptien (120-115 Ma) montrant les structures de déformation principales et les domaines de sédimentation (orange : continentale ; jaune : deltaïque ; bleu clair : marine peu profonde ; bleu foncé : marine profonde). La ligne de rivage actuelle est indiquée en bleu.

© Référence

Légende

Évolution du relief et des routages sédimentaires de la Côte d’Ivoire pendant (a) la formation du rift du futur Océan Atlantique Équatorial (Crétacé Inférieur), (b) le Crétacé Supérieur et (c) le Cénozoïque Inférieur. Sans échelle.

Pour en savoir plus

Rouby et al., Source-To-Sink Sedimentary Budget of the African Equatorial Atlantic Rifted MarginGeochemistry, Geophysics, Geosystems , 2023 

Contact

Delphine Rouby
Géosciences Environnement Toulouse (GET)