Un os de rhinoceros géant fossile remet en cause l'Isolement de l'Anatolie, il y a 25 millions d'années

Contrairement à ce qui était admis jusqu'ici, l'Anatolie n'était pas isolée géographiquement il y a 25 millions d'années (pendant l'Oligocène) : c'est ce que viennent de montrer des chercheurs du Laboratoire des Mécanismes et Transferts en Géologie (LMTG) (CNRS/ Université Toulouse 3/IRD) et du laboratoire Paléobiodiversité et paléoenvironnements (CNRS/Muséum national d'histoire naturelle/Université Paris 6). Ces résultats ont été obtenus grâce à l'analyse du premier os de rhinocéros géant fossile découvert en 2002 dans un gisement, en Anatolie, lors d'une mission franco-turque d'exploration paléontologique, financée par le programme ECLIPSE INSU-CNRS. La présence de cet os en Anatolie et des restes de faune associés témoigne de migrations animales avec l'Europe et l'Asie : ces résultats publiés en ligne le 29 février 2008 dans la revue Zoological Journal of the Linnean Society remettent en cause l'isolement de l'Anatolie à cette période jusque là considérée comme un archipel.

 

C'est la première fois qu'un os de rhinocéros géant fossile datant de l'Oligocène, une période correspondant à un moment d'intenses mouvements tectoniques autour de la mer Méditerranée, est retrouvé en Anatolie. Découvert en 2002 au cours d'une mission franco-turque d'exploration paléontologique de la région de Çankiri-Çorum (Anatolie centrale, Turquie), ce fragment d'os de l'avant-bras (radius) décrit ici par les chercheurs mesure 1,20 mètre de long et appartenait probablement à un très grand mâle d'environ 5 mètres au garrot, attribué au genre Paraceratherium. Ces herbivores, également appelés baluchithères ou indricothères, sont considérés comme les plus grands mammifères terrestres ayant existé, à égalité avec les plus grands mammouths (avec une taille au garrot estimée à 5 mètres ou plus et une masse corporelle de 15 à 20 tonnes).

Outre ce spécimen de Paraceratherium, connu notamment au Pakistan, en Chine, en Mongolie et au Kazakhstan, des restes associés de ruminants et de rongeurs ont été retrouvés dans le gisement. Ils ont permis de le dater à 25 millions d'années environ. Ces derniers présentent d'étroites affinités avec les faunes contemporaines d'Asie et/ou d'Europe. Ce constat est d'autant plus surprenant que l'Anatolie était considérée jusqu'alors comme étant à l'époque une presqu'île séparée à la fois de l'Europe et de l'Asie par une mer appelée Paratéthys dont les Mers Noire, Caspienne et d'Aral sont les seuls vestiges actuels. Cette découverte prouve l'existence de communications terrestres et de relations étroites à l'époque avec l'Europe, dont la France, et l'Asie (Chine, Mongolie, Pakistan). A l'Oligocène, l'Anatolie n'était donc pas séparée par la mer et était au minimum un isthme : les animaux pouvaient ainsi passer à « pattes sèches » de l'Asie continentale vers l'Anatolie.

Cette découverte tend en revanche à confirmer qu'il y avait bien une séparation avec l'Afrique puisque l'on ne retrouve pour l'instant aucune espèce d'affinité africaine dans les terrains de l'Oligocène d'Anatolie.