Projections du climat de la France pour le XXIe siècle

A partir d'un ensemble de simulations climatiques réalisées par un grand nombre de modèles, les chercheurs du laboratoire Sciences de l’Univers au CERFACS (SUC, CNRS / CERFACS) ont estimé les projections du climat de la France pour le XXIe siècle. Les modèles climatiques utilisés ont été contraints sur le XXIe siècle par trois scénarios d’évolution différente des émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols. Selon le scénario le plus sévère, le réchauffement du climat de la France pourrait atteindre 3,8°C en moyenne annuelle d’ici la fin du XXIe siècle, et serait plus élevé en été qu’en hiver. De plus, les précipitations diminueraient fortement en été et augmenteraient légèrement en hiver. Ces travaux sont publiés dans la revue Comptes Rendus Géoscience, le 30 mai 2013.

À l'aide de ces simulations climatiques, les chercheurs du SUC ont obtenu des estimations des changements climatiques passé et futur sur la France de 1850 à 2100. Pour la période dite historique (1850-2005), les modèles climatiques utilisent, en plus des observations des variations solaires et des éruptions volcaniques, les concentrations observées en gaz à effet de serre et aérosols. De 2005 à 2100, les différents scénarios d'évolution de ces concentrations traduisent différentes hypothèses sur le développement des sociétés humaines.

Afin d'évaluer la fiabilité des modèles climatiques, les simulations ont d’abord été comparées aux données climatiques observées au cours du 20ème siècle. Elles indiquent une augmentation des températures françaises depuis les années 1900, avec une accentuation au cours des trente dernières années, ce qui est en accord avec le réchauffement observé de 1°C. Elles suggèrent également que 70% environ du réchauffement observé est directement lié à l’influence humaine.

Évolution de 1900 à 2100 de la température annuelle moyenne de l’air de surface en France (en °C) par rapport à la celle de la période 1900-1929 prise comme référence, mesurée (courbe noire) et calculée (courbe rouge) en faisant la moyenne des résultats obtenus à l’aide de 25 modèles différents et en utilisant d’une part tous les forçages observés pour la partie historique de la courbe (1850-2005) et d’autre part le scénario le plus sévère pour sa partie
Dans l’insert, évolution de 1910 à 1995 de la température annuelle moyenne de l’air de surface en France (en °C) par rapport à celle de la période 1900-1929 prise comme référence, mesurée (courbe noire) et calculée (courbes rouge et bleue) en faisant la moyenne des résultats obtenus à l’aide de 9 des 25 modèles précédents (ceux pour lesquels des simulations réalisées avec uniquement les forçages naturels étaient également disponibles) et en tenant compte soit de tous les forçages (courbe rouge), soit des forçages naturels uniquement (courbe bleue). Ces courbes ont été lissées (moyenne glissante sur 21 ans). Les traits fins verticaux indiquent les années pour lesquelles les résultats sont significativement différents (au seuil de 5%) selon que les forçages anthropiques sont pris en compte ou non."/>

Les chercheurs ont ensuite estimé les changements climatiques à venir en France. Selon le scénario le plus sévère n’incluant aucune mesure d’atténuation, le réchauffement, par rapport au climat présent, serait de 3,8°C en moyenne annuelle à la fin du XXIe siècle, et plus fort en été (5,3°C) qu'en hiver (3°C). Dans un futur proche (sur la période 2020-2049), il serait de 1,4°C (1,9°C en été et 1,1°C en hiver).

Augmentation des températures moyennes de l’air de surface en France (en °C) pour la période 2020-2049 (en haut) et la période 2070-2099 (en bas), en hiver (à gauche) et en été (à droite), par rapport aux températures moyennes de la période 1900-1929 prise comme référence, calculée en faisant la moyenne des résultats obtenus à l’aide de 25 modèles différents dans le cadre du scénario le plus sévère.

Des sources d’incertitude inhérentes aux projections climatiques ont également été quantifiées par les chercheurs. La première est due à notre ignorance sur l'évolution future exacte des émissions et concentrations des gaz à effet de serre et autres composés chimiques : elle dépend donc en particulier de l'ampleur des mesures d’atténuation qui seront prises. Cette source d'incertitude, pour le changement de température à la fin du XXIe siècle, est simplement estimée par la différence entre les projections climatiques issues des scénarios d'évolution les plus contrastés. Ainsi, un scénario plus modéré prévoit un réchauffement en moyenne annuelle de 1,9°C vers la fin du XXIe siècle. Selon le scénario le plus optimiste, prenant en compte des mesures d’atténuation très agressives de rejet de CO2 dans l’atmosphère, le réchauffement serait de 1,2°C en moyenne annuelle.
Une deuxième source d'incertitude est liée à l'utilisation des modèles climatiques et à leur reproduction imparfaite de la réalité. Elle a été estimée, uniquement pour le scénario le plus sévère et le climat de la fin du XXIe siècle, à ± 1,8°C en moyenne annuelle.

Quant aux changements hydrologiques pour la fin du XXIe siècle (2070-2099), cette étude indique en moyenne une diminution significative des précipitations en été, en particulier sur le sud de la France, et une faible augmentation en hiver, principalement pour le nord du territoire français. Les incertitudes sur l'amplitude des changements de précipitations sont toutefois importantes, en particulier pour le futur proche.

Par ailleurs, l’équipe du SUC a cherché à dater cette fois pour l’ensemble de la planète, le franchissement du seuil de 2°C de réchauffement climatique depuis le début du 20ème siècle. Il se situe entre 2035 et 2045 pour le scénario le plus sévère et entre 2040 et 2050 avec un scénario plus modéré. En revanche, si les mesures d’atténuation très agressives prévues dans le scénario le plus optimiste sont prises, le réchauffement ne devrait pas excéder de manière significative le seuil de 2°C  au cours du XXIe siècle.

Cette étude s’est faite à partir d’un vaste exercice d’inter-comparaison de simulations climatiques, réalisées par la communauté de modélisation climatique internationale, regroupant une trentaine de groupes issus d’une quinzaine de pays, dans le cadre du projet CMIP5  coordonné par le Programme mondial de recherche sur le climat.

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet PRECLIDE (fondation BNP-Paribas) et du projet ECHO (ANR jeune chercheur).