Recherche des plus vieilles traces de vie : attention aux pièges !

Résultat scientifique Terre Solide

Depuis toujours ou presque, les paléontologues du Précambrien cherchent des traces de vie fossiles dans les plus vieilles roches disponibles sur notre planète. Ces efforts ont un unique but : comprendre les débuts du vivant. Mais c’est sans compter les pièges tendus par l’enregistrement géologique. En effet, une équipe de chercheurs vient de montrer expérimentalement que des biomorphes organiques, validant tous les critères de biogénicité actuellement utilisés pour identifier des microfossiles dans les roches anciennes, peuvent se former de façon complètement abiotique, sans faire intervenir le vivant.

Dans ce travail expérimental, un assemblage organo-minéral composé d’ARN et quartz α a été placé à 200°C pour simuler les conditions classiques de diagénèse que toutes les roches subissent au cours de leur histoire. Au bout de 20 jours, le résidu de ces expériences contenait de nombreuses microstructures sphériques de 1 à 5 µm présentant une surface rugueuse, ressemblant à s’y méprendre à des bactéries. Ces biomorphes se présentent « en colonie », certains donnant l’impression d’être en pleine division cellulaire. Ces biomophes sont principalement constituées de carbone, d’oxygène et, dans une moindre mesure, d’azote. En effet, la caractérisation de ces biomorphes à l’aide d’outils synchrotron a révélé la présence d’hétérocycles, de groupements cétones et de groupements amides. Qui plus est, ces biomorphes sont appauvris en 13C, ce qui correspond au domaine du fractionnement biologique. Si ces objets étaient observés dans une roche, ils seraient interprétés comme étant d’origine biologique, tant leurs signatures sont proches de celles attendues pour des fossiles microorganismes. Il n’en est pourtant rien. Ce travail expérimental souligne donc à quel point il est nécessaire de rester prudent dans le cadre de la recherche des plus vieilles formes de vie sur Terre.

Images obtenues en microscopie électronique à balayage (barres d’échelle : 1 µm). a,b : Biomorphes organiques synthétisés de façon abiotique au cours de cette étude. c,d : Cellules vivantes de Thermococcus prieurii en colonie © a,b : Isis Criouet / c,d : Aurore Gorlas

En savoir plus

Abiotic formation of organic biomorphs under diagenetic conditions – Geochemical Perspectives Letters

I. Criouet, J.C. Viennet, P. Jacquemot, M. Jaber, S. Bernard

https://www.doi.org/10.7185/geochemlet.2102

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Sylvain Bernard
IMPMC