Identifier des goulets d’étranglement comme pivots du système de transport de la circulation océanique

Résultat scientifique Océan Atmosphère

Une équipe scientifique internationale vient de mettre au point une nouvelle méthode d’analyse des flux de fluides dans l’océan inspirée de la théorie des réseaux. Celle-ci permet de mettre en évidence l’existence de goulets d’étranglement dans la circulation océanique et donc de mieux comprendre le transport des masses d’eau et la dispersion des organismes qui y vivent, notamment le plancton.

L'océan offre un environnement fluide hétérogène avec des schémas complexes et chaotique d'écoulement. La façon dont ces flux redistribuent la chaleur et les organismes dans l’océan ont des implications importantes pour le climat et la santé des écosystèmes. Une équipe internationale présente une nouvelle mesure qui permet de caractériser la nature dispersive des flux de fluides, y compris des courants marins, afin d’y détecter des « hubs » ou zones pivots du transport océanique.

La centralité intermédiaire (« betweenness centrality »), un concept issu de la théorie des réseaux utilisé pour identifier les goulets d'étranglement qui gouvernent la dynamique de divers systèmes complexes allant des réseaux de transport aérien au cerveau humain, a été appliquée pour la première fois à la mécanique des fluides géophysiques. Les régions présentant un degré de centralité intermédiaire élevé voient les courants marins de diverses origines converger dans un espace relativement restreint puis se re-disperser à nouveau vers des destinations variées, facilitant ainsi le brassage et la dispersion des traceurs océaniques et des organismes marins.

Jusqu’ici ignorés, l'équipe a montré que de tels goulets d'étranglement sont à la fois présents dans les courants marins de surface, et étonnamment persistants à différentes échelles spatio-temporelles, illustrant le rôle prépondérant que jouent ces zones dans le transport des fluides sur de vastes régions océaniques.

Ces schémas de transport, qui sont relativement stables en dépit de la turbulence apparente, permettent de mieux appréhender comment se meuvent et se mélangent les masses d’eau dans l’océan. Les chercheurs prévoient que cette nouvelle méthode sera un outil utile pour cartographier et interpréter la biodiversité marine à l'échelle mondiale. En outre, des réseaux de surveillance installés au sein de ces goulets d’étranglement amélioreraient significativement l’efficacité des suivis environnementaux.

Légende : carte instantané de « centralité lagrangienne » calculée en Mer Adriatique pour le 1er décembre 2013 en utilisant un temps d’intégration de 15 jours. Un goulet d’étranglement (A) est identifié près de l’île de Palagruža par la zone colorée en jaune ; il constitue le point principal de mélange entre les eaux des gyres nord et sud Adriatique. Les 2 inserts schématisent la centralité intermédiaire initialement définie dans la théorie des réseaux (en bas à gauche) qui est dorénavant applicables aux systèmes dynamiques (en haut à droite), tel que l’analyse lagrangienne de la circulation océanique.

En savoir plus

Lagrangian betweenness as a measure of bottlenecks in dynamical systems with oceanographic examples - Nature communications 

Enrico Ser-Giacomi, Alberto Baudena, Vincent Rossi, Mick Follows, Sophie Clayton, Ruggero Vasile, Cristóbal López & Emilio Hernández-García

https://doi.org/10.1038/s41467-021-25155-9

Contact

Vincent Rossi
Chercheur CNRS à Institut Méditerranéen d'Océanologie ( MIO )