Un bloom phytoplanctonique crée un fort puits de CO2 océanique dans l’océan Indien

Résultat scientifique Océan Atmosphère

Depuis 1998, les campagnes océanographiques OISO conduites à bord du Marion-Dufresne permettent aux scientifiques d’étudier les concentrations de CO2 océanique en particulier dans la zone subtropicale de l’océan Indien Sud. En été austral, cette région est généralement proche de l’équilibre, c’est-à-dire qu’elle absorbe autant de CO2 qu’elle n’en relâche dans l’atmosphère. Cette zone de l’océan Indien Sud pouvait même parfois être une source de CO2 ​​​​​​​pour l’atmosphère. Pourtant, en janvier 2020, au cours de la campagne OISO-30, les concentrations en CO2 ​​​​​​​océanique ont été particulièrement faibles comparées aux années précédentes, plaçant l’océan en situation d’absorber du CO2. Cela s’explique par le fait que cette région a été le siège d’un fort bloom phytoplanctonique d’une intensité jusqu’à présent jamais observée, probablement lié à la présence d’espèces diazotrophes (phytoplancton fixateurs de diazote (N2)). 

Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques ont associé les mesures de CO2 ​​​​​​​avec des observations de chlorophylle-a satellitales accompagnées de mesures de sels nutritifs et de fixation d’N2 réalisées durant la campagne. En utilisant un modèle neuronal pour reconstruire les champs de CO2 ​​​​​​​océanique, ils et elles ont estimé que ce bloom phytoplanctonique a engendré en un mois un puits de CO2 ​​​​​​​océanique de l’ordre de 1 TgC (soit 1 million de tonnes de carbone). Cet événement biologique représente un cas d’école pour tester les modèles océaniques qui tentent de reproduire les cycles biogéochimiques marins et mieux comprendre les mécanismes qui pilotent la dynamique du phytoplancton, en particulier des espèces diazotrophes. Des modèles suggèrent que ce processus de diazotrophie pourrait être plus prononcé dans un océan plus chaud et stratifié conduisant à une augmentation de la production primaire marine et donc de la pompe biologique de CO2. Dans le contexte du changement climatique et d’un océan qui se réchauffe depuis des décennies, ces nouvelles observations peuvent être utiles pour tester et améliorer les simulations des échanges de CO2 entre l’océan et l’atmosphère dans le futur.

Carte de la concentration océanique de chlorophylle a en janvier 2020 à la surface de l’océan dans la zone de l’océan Indien Sud-Ouest. Les couleurs jaune-rouge identifient le « bloom » phytoplanctonique prononcé et étendu en janvier 2020 au large de Madagascar. Le trajet orange représente la trace de la campagne OISO-30 partie depuis La Réunion. Le cercle noir autour de 27°S indique la zone sélectionnée pour comparer les observations de CO2 obtenues depuis 1991 dans cette région. © Adapté de Metzl et al.
Série temporelle des observations de fCO2 océanique entre 1991 et 2020 dans la zone pour les mois de janvier-février. La courbe rouge représente le CO2 atmosphérique. Sont représentées toutes les données (points) et les moyennes (triangles) dans la zone sélectionnée. En 2020, durant la forte activité biologique au sud-est de Madagascar, les mesures de fCO2 réalisées durant la campagne OISO-30 sont bien inférieures au niveau atmosphérique : l’océan agit en qualité de puits de CO2. © Adapté de Metzl et al.

Pour en savoir plus

Metzl, N., Lo Monaco, C., Leseurre, C., Ridame, C., Fin, J., Mignon, C., Gehlen, M., and Chau, T. T. T.: The impact of the South-East Madagascar Bloom on the oceanic CO2 sink, Biogeosciences, 19, 1451–1468, 2022.

Contact

Nicolas Metzl
Chercheur au Laboratoire d'Océanographie et du Climat : Expérimentations et Approches Numériques IPSL/CNRS
Claire Lo Monaco
Chercheuse au Laboratoire d'Océanographie et du Climat : Expérimentations et Approches Numériques IPSL/CNRS
Céline Ridame
Chercheuse au Laboratoire d'Océanographie et du Climat : Expérimentations et Approches Numériques IPSL/CNRS