Le champ magnétique de Jupiter

Explorations Univers Terre Solide

Le champ magnétique d’une planète est dû à des mouvements de convection, très profonds et de très grande échelle, qui produisent un courant électrique. C’est l’effet dynamo. Étudier le champ magnétique permet donc de mieux comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur de la planète. Jupiter, la planète la plus imposante du Système solaire, possède le champ magnétique interne le plus intense de toutes les planètes. Il a été découvert dès le milieu des années 1950, en mesurant, depuis la surface de la Terre, le spectre des ondes radio émises par de Jupiter. Son étendue était telle, jusqu’à 40 MHz, que les astrophysiciens en ont conclu que le champ magnétique jovien dépassait 1 mT, soit près de 20 fois le champ terrestre.

Fortement dissymétrique, il avance jusqu’à 5 millions de kilomètres en direction du Soleil et forme, de l’autre côté, une longue queue de 700 millions de kilomètres qui dépasse l’orbite de Saturne. Entre 1973 et 2008, sept sondes sont passées près de Jupiter (de Pioneer 10 à New Horizons) et l’une d’entre elle, Galileo, a été placée en orbite autour de la planète entre 1995 à 2003. Ces missions ont mesuré le champ jovien, mais à relativement grande distance de la planète et principalement autour de l’équateur, ce qui n’a pas permis de le caractériser précisément. C’est avec la mission Juno de la NASA, en orbite autour de Jupiter depuis 2016, qu’on a pu compléter les mesures manquantes et réaliser la première cartographie globale du champ jovien. En effet, Juno est sur une orbite elliptique polaire1 qui passe très près de la planète (4200 km). Surtout, elle a effectué des mesures sur une durée suffisamment longue pour quantifier directement la variation séculaire (à l’échelle du siècle) du champ jovien.

Ces nouvelles données ont permis d’affiner le modèle du champ magnétique de Jupiter. Selon ce modèle, le champ dépasse 1,6 millitesla (mT) à la surface de la planète, et le rayon de la zone dynamo est estimé à 0,83 rayon jovien. Elle est donc beaucoup plus proche de la surface que sur Terre. Cette zone correspond à une région où l’hydrogène change de phase et passe d’un état gazeux à un état  métallique1 . Le modèle révèle aussi une structure principalement dipolaire comme sur Terre, mais avec certaines structures complexes. Les temps caractéristiques de l’évolution du champ magnétique de la planète (variation séculaire) indiquent que les processus générant la dynamo sont essentiellement des mouvements d’advection2 . Certaines structures, notamment près de l’équateur, suggèrent des mouvements zonaux (parallèles à l’équateur), peut-être à relier à ceux observés en surface, mais il y a d’autres structures, non zonales, qu’il faut aussi prendre en compte.

Pour rendre compte de la complexité du champ magnétique de Jupiter, plusieurs explications ont été avancées, de la présence d'un noyau rocheux et très profond, suspecté depuis quelque temps, jusqu'à l'existence de régions superficielles sans convection du fait de leur composition particulière en hélium. Juno continue d’acquérir de nouvelles mesures, qui permettront de suivre l’évolution temporelle du champ jovien et d’alimenter son modèle. Les lunes de Jupiter orbitent dans ce champ et sa bonne connaissance est importante dans le cadre de la mission Juice, dont le lancement est prévu pour 2023 et qui étudiera, entre autres, les lunes joviennes.

  • 1sur Terre, la dynamo est localisée dans le noyau externe, essentiellement composé de fer liquide à très hautes pression et température
  • 2 L’advection correspond au transport d’une propriété physique par les mouvements de la matière

Auteur et autrice

Benoit Langlais, chercheur CNRS au Laboratoire de planétologie et géosciences (LPG) et Shivangi Shara, doctorante au LPG

Tutelles : CNRS / Université de Nantes / Université d'Angers

Coupe schématique de Jupiter. La zone violette représente la région où la phase métallique H domine. Le modèle de l’étude prédit un sommet de la dynamo (trait violet) qui correspond au sommet de cette région
Coupe schématique de Jupiter. La zone violette représente la région où la phase métallique H domine. Le modèle de l’étude prédit un sommet de la dynamo (trait violet) qui correspond au sommet de cette région © Sharan S. et al.

En savoir plus sur la magnétosphère de Jupiter