Orbite chaotique de Mercure : évidence géologique dans le sud-est de la France

Résultat scientifique Univers Terre Solide

Les orbites elliptiques des planètes du système solaire sont régies par les lois de la gravitation universelle et de la mécanique céleste. La modélisation astronomique montre qu’il  en résulte un système chaotique en raison des interactions entre les planètes du système solaire et le Soleil, avec de possibles instabilités dans les orbites planétaires. Les planètes internes (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) sont les plus concernées par ce phénomène de chaos étant donné leurs relatives faibles masses.

Une des expressions de ce système est la mise en évidence dans les modèles astronomiques de plusieurs termes résonnants, c’est à dire de relations linéaires entre des périodicités orbitales des planètes internes. A cause du chaos, ces cyclicités orbitales, présentes dans les termes résonnants, subissent des variations de leur périodicité à l’échelle de plusieurs dizaines de millions d’années (Ma). Pour les temps anciens, au-delà de 50 Ma environ, ces termes résonnants ne peuvent être mis en évidence que dans des séries sédimentaires ayant enregistré des variations paléo-environnementales, elles-mêmes induites par des modifications d’insolation à la surface de la Terre régies par les paramètres de l’orbite terrestre.

A travers un enregistrement sédimentaire exceptionnel de périodicités astronomiques de différentes fréquences sur un affleurement du sud-est de la France daté du Crétacé, sur l’intervalle 113–123 Ma, l'étude, menée par un laboratoire CNRS-INSU (voir encadré), a clairement mis en évidence une transition vers 117 Ma dans un terme résonnant (voir figure A). Les scientifiques confirment non seulement le fort chaos dans le système solaire interne, mais aussi la forte instabilité de l’orbite de la planète Mercure. En parallèle, l’analyse du modèle astronomique La2004, modèle probablement le plus fiable de tous les modèles existants (au moins sur les évolutions à long terme), révèle également une transition concomitante centrée à 117 Ma dans plusieurs termes résonnants (voir figure B).

Laboratoires CNRS impliqués

  • Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTeP – EcceTerra)

Tutelles : CNRS / Sorbonne-Université

  • Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides ( IMCCE - Observatoire de Paris )

Tutelles : CNRS / Observatoire de Paris - PSL 

Alternances marnes-calcaires de l’Aptien (Angles, Alpes de Haute-Provence). Chaque alternance représente un cycle de précession de 20 000 ans. © G. Charbonnier
Cf. Référence article

Légende

Correspondance remarquable entre données géologiques et modèle astronomique. (A) Analyse fréquentielle des variations de susceptibilité magnétique sur la série sédimentaire de l’Aptien dans le sud-est de la France (intervalle 113-122 Millions d’années). A gauche : filtrage à basse fréquence. A droite : spectrogramme d’amplitude évolutif, une transition dans le terme d’excentricité gMercure–gJupiter est enregistrée vers 117.19 Ma. (B) Analyse fréquentielle des variations basse-fréquence de l’excentricité de l’orbite terrestre pour les derniers 180 Ma selon le modèle astronomique La2004. A gauche : filtrage à basse fréquence. A droite : spectrogramme d’amplitude évolutif, une transition, à la fois dans les termes d’excentricité gMercure–gJupiter et gMercure–gVénus, est centrée à 117.2 Ma.

Pour en savoir plus

Charbonnier G., Boulila S., Spangenberg J.E., Vermeulen J., Galbrun B. (2023). Astrochronology of the Aptian stage and evidence for the chaotic orbital motion of Mercury. Earth Planet. Sci. Lett., vol. 610, 118104.

Ce résultat a été acquis dans le cadre des projets ANR AstroMeso et ERC AstroGeo coordonnés par J. Laskar (Observatoire de Paris, IMCCE – UMR 8028).

Contact

Slah Boulila
Enseignant chercheur à Sorbonne Université à l'Institut des sciences de la Terre de Paris (ISTeP - ECCETERRA)