Le chlore 36, un nouvel outil pour l’évaluation de la dynamique du carbone des sols

Résultat scientifique Surfaces continentales

Le carbone organique du sol est un élément clé de la santé des sols du fait de son rôle sur leur structure, leur fertilité et sur l’atténuation des émissions anthropiques annuelles de CO2. Il représente aussi l’un des plus grands réservoirs de carbone terrestre que l’homme peut gérer. Un élément important pour évaluer la capacité du sol à stocker du carbone est son âge, qui peut être évalué par modélisation ou expérimentalement à l’aide d’isotopes du carbone. Mais les résultats obtenus par les différentes méthodes ne sont pas cohérents et présentent des différences très importantes. Par exemple, la méthode bien connue qu’est la datation au carbone-14 fournit des âges du carbone des sols supérieurs d'un facteur 6 à 10 à ceux estimés par la modélisation et par l’utilisation des isotopes stables du carbone (carbone-12 et -13).

Une équipe de recherche, dont des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré), propose une méthode alternative et indépendante basée sur la mesure du chlore 36 (36Cl) dans les sols. Le 36Cl est un radionucléide1  produit naturellement dans l’atmosphère sous l’effet du rayonnement cosmique mais il est également produit de façon anthropique par l’industrie nucléaire. Sa production a augmenté de trois ordres de grandeur lors des essais de bombes nucléaires dans les années 50-70. Dans les sols, une partie du chlore, dont le 36Cl, est retenue par la matière organique du sol sous forme de molécules organochlorées.   

L’équipe a mesuré2  des stocks de 36Cl retenus dans les différentes couches d’un sol forestier3 . Ces données sont comparées aux flux de 36Cl entrants (pluie, végétation) et sortants (drainage)et permettent de déterminer le temps de rétention du 36Cl dans les sols. Les résultats montrent que ce temps augmente avec la profondeur avec des durées allant de 20 ans en surface à 322 ans à 60 cm de profondeur. Ces durées de rétention du 36Cl dans les sols sont comparables aux âges moyens estimés par les approches basées sur la modélisation ou les isotopes stables du carbone. Cette étude suggère donc que la durée de rétention du 36Cl dans un sol peut être utilisée comme un indicateur de l’âge du carbone organique du sol.

  • 1C’est un nucléide radioactif. Il instable et peut donc se décomposer en émettant un rayonnement.
  • 2Le Cl (concentration totale en chlore) et 36Cl des sols ont été extraits par un protocole d’hydropyrolyse mis au point au CEREGE. Les mesures de Cl et de 36Cl ont été réalisées avec une grande précision grâce à l’instrument national ASTER qui est un accélérateur spectromètre de masse.
  • 3Échantillonné dans l’une des stations du site atelier de l’Observatoire Pérenne de l’Environnement (OPE) en Meuse/Haute-Marne.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (CEREGE – OSU Pythéas)

Tutelles : AMU / CNRS / IRD / INRAE / Collège de France

  • Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE - OVSQ).

Tutelles : CNRS / CEA / CNRS / UVSQ / Université Paris-Saclay

 

Légende

Modèle conceptuel utilisé pour estimer la durée de rétention de 36Cl dans le sol. A gauche : Les différentes boites représentent les couches du sol, et la taille est proportionnelle aux  stocks de 36Cl mesurés dans différentes couches du sol. Les flèches représentent les flux entre ces différentes couches. Au sein de chaque couche, une petite fraction du flux de 36Cl est fixée dans la matière organique de la couche. Cette fraction est estimée à 5 % du flux en surface et décroit exponentiellement avec la profondeur.  À cette décroissance des quantités retenues, correspond une augmentation de la durée de rétention avec la profondeur (figure de droite).

Pour en savoir plus

Grapeloup, C., Cornu, S., Giraud, X. et al. 36Cl, a new tool to assess soil carbon dynamicsSci Rep 13, 15085 (2023). 

Contact

Sophie Cornu
Chercheuse INRAE au Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (CEREGE)
Lucilla Benedetti
Chercheuse CNRS au Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences de l'Environnement (CEREGE)