Importance cruciale des apports en nutriments continentaux pour les écosystèmes marins arctiques

Résultat scientifique Océan Atmosphère Surfaces continentales

Dans l'océan Arctique, la production primaire réalisée par le phytoplancton est à l’origine d’une faune abondante. Jusqu’à présent, on considérait que les éléments nutritifs, dont la disponibilité dans les eaux de surface est un facteur limitant de la croissance du phytoplancton, provenaient principalement d'autres régions de l'océan mondial. Or, l’impact des apports provenant des fleuves et de l'érosion des sols côtiers des continents entourant cet océan y est sans doute plus important qu’ailleurs à cause d’une situation unique : s’il ne contient que 1 % du volume océanique mondial, l’océan Arctique reçoit en effet environ 11 % du débit fluvial mondial ; en outre, son littoral s’érode rapidement en raison du dégel du pergélisol. Mieux comprendre le rôle des apports continentaux sur la production primaire pour estimer l’évolution à venir des écosystèmes marins arctiques est donc crucial.

Une première estimation complète des apports en nutriments provenant des fleuves et de l'érosion côtière, ainsi qu'une évaluation quantitative de l'importance de ces deux sources sur la production primaire, viennent d'être réalisées pour l’océan Arctique par une équipe internationale1 . Les apports fluviaux ont été estimés à partir des flux mensuels des six plus grands fleuves arctiques et les flux provenant de l'érosion côtière ont été calculés à l'aide d'images satellitaires du littoral et de mesures de la teneur en nutriments des sols érodés. Ces quantités ont ensuite été utilisées pour forcer un modèle biogéochimique océanique à haute résolution. Les résultats montrent que les nutriments d’origines continentales sont responsables de 28 à 51 % de la productivité primaire totale de l'océan Arctique.

Illustration scientifique
Productivité primaire nette (NPP) simulée dans l'Arctique, incluant (à gauche) ou non (à droite) l'apport de nutriments provenant des fleuves et de l'érosion côtière. Les simulations montrent l'importance de ce flux de nutriments pour le maintien de la NPP de l'océan Arctique, en particulier sur les vastes plateaux continentaux au large de la Sibérie.

Ces travaux suggèrent un impact beaucoup plus important des apports continentaux sur la productivité de l'océan Arctique que les précédentes études et soulignent le rôle majeur de l'érosion côtière sur ses écosystèmes. L'apport d'azote continental (rivières et érosion côtière) pourrait augmenter au cours du XXIe siècle, ce qui pourrait conduire à un accroissement de la productivité de l'océan Arctique.

  • 1Les laboratoires français impliqués dans cette étude sont le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/IPSL, CNRS / CEA / UVSQ), le laboratoire Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (ECOSYS, Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech) et le Laboratoire de météorologie dynamique (LMD/IPSL, CNRS / École Polytechnique / Sorbonne Université / ENS Paris / École des ponts ParisTech).

En savoir plus

Jens Terhaar, Ronny Lauerwald, Pierre Regnier, Nicolas Gruber & Laurent Bopp, Around one third of current Arctic Ocean primary production sustained by rivers and coastal erosion, Nature Communications, 8th January 2020, 10.1038/s41467-020-20470-z

Contact

Laurent Bopp
Chercheur CNRS au laboratoire de météorologie dynamique (LMD)