Montagephotos ©NASA/JPL-Caltech et ©NASA/JPL-Caltech/University of Arizona

Les séismes martiens

Explorations Terre Solide

Le saviez-vous ? En connaissant la vitesse de propagation des ondes émises lors d’un séisme et en identifiant les échos de ces ondes sur les couches internes, on peut en savoir plus sur l’intérieur d’une planète, ce qui nous renseigne alors sur la manière dont elle s’est formée. Concernant Mars, nous ne savons encore que trop peu de chose sur ce qui se passe sous la surface. Mais ces derniers mois, nos connaissances ont progressé !

Installé sur le sol de la planète depuis décembre 2018 et mis en service en février 2019, le sismomètre ultrasensible et ultrarésistant d'origine française SEIS est l’atout principal de la mission InSight. C’est à l’IPGP, seule équipe dans le monde avec les compétences nécessaires à l'époque, que la Nasa a confié la réalisation de cet instrument, fruit d'une vingtaine d'années de recherche soutenues par le CNES et le CNRS. Grâce à un bouclier de protection éolien et thermique, le bruit causé par le vent -qui avait été la cause des déconvenues de la mission Viking 2 - a été réduit avec un facteur pouvant aller jusqu'à 1 000 !

La période la plus propice aux observations se situe après le coucher du soleil : le niveau de bruit s'effondre et permet alors de détecter des tremblements infimes de la surface, correspondant à des déplacements de l’ordre du diamètre d'un atome ! Le 7 avril 2019 a eu lieu le premier événement jamais enregistré sur la Mars : un séisme de haute fréquence. D’une intensité si faible qu’il aurait été imperceptible sur Terre, son épicentre n'a pu être localisé. Il fut cependant la première preuve de l’activité sismique de la planète. Une année martienne plus tard, 500 événements ont été détectés.  Autre phénomène étrange : SEIS capte continuellement la nuit un ensemble de vibrations, qui se répètent 2,4 fois par seconde, et gagnent en force quand un événement de haute fréquence se produit.

Si la plupart des évènements sont hautes fréquences, certains, plus rares, sont plus basse fréquence. et beaucoup plus puissants. Une trentaine ont été enregistrés. D’une magnitude de 3 à 4, plusieurs ont été localisés et tous semblent issus de zones bien plus profondes. L’épicentre de deux d’entre eux a été localisé dans une région baptisée Cerberus Fossae. Grâce aux images satellites, de nombreux indices laissent penser que l'endroit a été encore très récemment – moins de 10 millions d'années – le siège d'une activité tectonique et volcanique ; et continueraient à l’être aujourd'hui. En utilisant des techniques innovantes de sondage, basées sur les réflexions des signaux sismiques, les scientifiques ont pu mettre en évidence la présence d'une couche d'environ 10 km d'épaisseur, constituée de matériaux volcaniques altérés et endommagés.

Les mesures des sismologues sont cependant affectées par quelques difficultés : soumise au martelage continu de chutes d'astéroïdes, la croûte martienne est très fissurée. En la traversant, les ondes sismiques se réverbèrent et suivent des chemins différents jusqu’au sismomètre. Conséquence : lorsqu'un séisme se produit, l'instrument détecte une succession d'échos, qui s'étirent dans le temps. Par ailleurs, la qualité des signaux est altérée par le bruit du câble qui lie le sismomètre à la sonde, lorsque sa température chute de plus de 15 degrés par heure après le coucher du soleil. Il est donc encore possible de l’améliorer en réduisant les variations de température du câble.

La décision récente de prolonger la mission INSIGHT pour une durée de 2 ans justifie un petit travail de terrassement, téléguidé à 250 millions de km, pour enterrer ce câble ! Cela permettra peut-être de détecter des ondes de surface qui nous auraient échappés et d'affiner nos connaissances. L'observation augmentant statistiquement les chances d'enregistrer des séismes de forte magnitude, on attend celui qui nous permettra enfin d'atteindre le noyau métallique !

Auteur

Philippe Lognonné, Responsable scientifique du sismométrie SEIS, Professeur, Université de Paris-Institut de physique du globe de Paris

photos ©NASA/JPL-Caltech et ©NASA/JPL-Caltech/University of Arizona

Légende

En haut à gauche : InSight avec ses instruments déployés sur la surface martienne.
En haut à droite : Les deux plus grands tremblements de terre détectés par InSight de la NASA semblent avoir leur origine dans une région de Mars appelée Cerberus Fossae. Les scientifiques y avaient déjà repéré des signes d'activité tectonique, dont des glissements de terrain. Cette image a été prise par la caméra HiRISE de l'orbiteur de reconnaissance de Mars de la NASA.
En bas à gauche : L'atterrisseur InSight de la NASA a déployé son bouclier thermique et éolien. Le bouclier recouvre le sismomètre d'InSight. Cette image a été prise par la caméra de déploiement des instruments du bras robotique de l'atterrisseur.
En bas à droite : Le sismomètre, appelé Seismic Explorations for Interior Structure (SEIS), mesurera les ondes sismiques causées par les tremblements de terre, les impacts de météorites et d'autres phénomènes.