Les lunes géantes de Jupiter

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Après la découverte des quatre principaux satellites de Jupiter en 1610 (Io, Europe, Ganymède et Callisto), il aura fallu attendre les années 1970 et les débuts de l’exploration spatiale pour prendre la mesure de la complexité et de la richesse de ces mondes. Les sondes Pioneers 10 et 11, lancées en 1972 et 1973, puis les sondes Voyager 1 et 2 en 1977, fournirent les premières images des planètes géantes et de leurs lunes. La sonde Galileo, qui vola dans le système de 1995 à 2003, permit une première analyse des propriétés de surface et des caractéristiques internes des lunes.

Io, la plus proche de Jupiter, est la seule lune à ne pas être recouverte de glace. La surface d’Europe est plutôt jeune, sans doute moins de 100 millions d’années, car la glace est très pure et présente très peu de cratères d’impact. Ganymède présente aussi une surface entièrement glacée mais beaucoup plus vieille avec une alternance de surfaces sombres et fortement cratérisées, probablement vieilles de 4 milliards d’années, et d’autres plus jeunes mais d’âge inconnu. Ganymède présente, de plus, la particularité de posséder une atmosphère très fine et un champ magnétique propre. Callisto, la plus éloignée de Jupiter, possède une surface très vieille, recouverte par des poussières ; la glace n’y est visible que dans les cratères d’impact les plus récents.

Une caractéristique originale des trois lunes glacées de Jupiter est la possible présence d’eau liquide. Sur Europe, ce réservoir d’eau liquide pourrait être situé à quelques kilomètres sous la glace et avoir une épaisseur d’une centaine de kilomètres. Sur Ganymède et Callisto, les océans seraient beaucoup plus profonds, à plusieurs dizaines de kilomètres sous la surface. L’eau serait liquide sur plusieurs centaines de kilomètres, mais se solidifierait plus en profondeur du fait des très hautes pressions. Ces océans ont également une chimie complexe (ce n’est pas de l’eau pure !), des sources d’énergie en profondeur et une stabilité avérée sur des centaines de millions d’années.

Toutes ces découvertes ont motivé la préparation de deux nouvelles missions qui exploreront les lunes vers 2030. Europa Clipper (NASA) se focalisera sur la lune Europe, les propriétés de son océan et de sa surface, et la recherche de traces de vie. Juice (ESA) explorera tout le système jovien pendant trois ans, puis se mettra en orbite autour de Ganymède. Cette lune a certes un potentiel moindre en termes d’exobiologie1, mais elle est intéressante pour d’autres raisons : combinaison unique de trois champs magnétiques (champ jovien, champ propre, possible champ induit par l’océan) ; caractéristiques géologiques permettant d’étudier l’histoire du système jovien ; propriétés internes comparables aux exoplanètes très riches en eau...  Et l’aventure ne s’arrêtera pas là puisque l’ESA a annoncé que la première mission du futur programme Voyage 2050 explorerait une lune de glace autour de Jupiter ou de Saturne.

 

1 L’exobiologie est une science qui a pour objet l'étude des facteurs et processus pouvant mener à l'apparition de la vie et à son évolution.

Auteur

Olivier Grasset, enseignant-chercheur de Nantes Université au laboratoire de planétologie et géosciences (LPG – OSUNA)

Tutelles : CNRS / Nantes Université / Université d'Angers / Le Mans Université 

De gauche à droite, dans l’ordre de proximité à Jupiter : les lunes Io, Europa, Ganymède et Callisto. © NASA/JPL-Caltech