La ville côtière de Sidi Bou Said (Tunisie) dans les années 1980. © J. Guiot

Les villes méditerranéennes en première ligne du réchauffement climatique

Explorations Surfaces continentales

Dans le Bassin Méditerranéen, les sociétés humaines et leur environnement ont co-évolué depuis plusieurs millénaires, en s’adaptant à des variations climatiques importantes. Très tôt, des villes se sont établies sur le littoral et ont prospéré grâce au commerce avec les campagnes environnantes et surtout avec les autres villes méditerranéennes. Il en a résulté cette spécificité méditerranéenne qui en fait la destination touristique la plus prisée du monde. Mais cette spécificité est-elle menacée par les changements globaux ?

La température moyenne annuelle augmente très vite en Méditerranée et surtout dans les villes là où réside la majorité de la population. Les vagues de chaleur - caractérisées par des températures diurnes et nocturnes nettement plus élevées que la normale durant plusieurs jours consécutifs - sont plus fréquentes et plus intenses qu’avant. Elles sont également plus intenses au cœur des villes à cause du phénomène d’ilot de chaleur urbain. Les villes anciennes avec leurs rues étroites leurs petites ouvertures et un bâti blanc réfléchissant permettaient d’atténuer l’effet des pics de chaleurs. En revanche, les villes modernes faites de béton et de verre permettent de s’en prémunir qu’au prix d’une climatisation électrique puissante, induisant une boucle de rétroaction positive sur le climat. Les vagues de chaleur sont responsables de taux de mortalité élevés provoquant des dizaines de milliers de décès prématurés, en particulier dans les grandes villes et parmi les personnes âgées. La morbidité et la mortalité liées à la chaleur ont été en partie réduites ces dernières années grâce à une protection plus efficace des personnes.

Au niveau des précipitations, on projette un allongement de la saison sèche estivale et une augmentation des pluies intenses hivernales. Le risque pour les ressources en eau est très important avec une diminution des précipitations de 2 à 15 % pour un réchauffement global de 2°C, la baisse maximale étant localisée au sud et à l’est du bassin. A la fin de l’été, les précipitations orageuses provoquent des inondations amplifiées par l’artificialisation des sols urbains et la déforestation particulièrement forte au sud. L’utilisation de l’eau domestique est déjà restreinte dans plusieurs pays méditerranéens. Les déficits hydriques sont exacerbés par les phénomènes démographiques et migratoires ainsi que par les limites et l’obsolescence des infrastructures de distribution d’eau. Plusieurs pays du nord sont parvenus à réduire les prélèvements domestiques en valeurs absolues alors que plusieurs pays du sud et de l’est affichent la tendance opposée. Une autre spécificité de la Méditerranée est sa quasi-absence de marées qui a permis aux habitants de construire des villes très proches de la mer. Avec un risque d’augmentation du niveau des océans de 37 à 90 cm en 2100, beaucoup de villes, d’infrastructures et de bâtiments patrimoniaux seront en danger de submersion d’ici la fin du siècle.

Du fait de ces constats, l’adaptation aux changements globaux revêt une importance particulière pour les villes méditerranéennes. Peu de villes méditerranéennes disposent de plans locaux en matière de climat qui prennent en compte l’atténuation et l’adaptation de manière conjointe. L’échange des connaissances et la promotion d’actions ambitieuses devraient permettre de nouvelles approches en matière de développement urbain. Comme les villes méditerranéennes densément peuplées sont d’immenses sources de carbone, il est urgent de mettre en place des modèles de croissance urbaine soutenable et de développer des villes vertes à faible émission de carbone.

Auteur

Joël Guiot, directeur de recherche au Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE / CNRS / AMU). 

 

La ville de Sidi Bou Said (Tunisie) dans les années 1980. © J. Guiot