Gaia découvre de nouveaux astéroïdes

Résultat scientifique Univers

Le satellite Gaia de l’ESA a détecté en décembre 2018 trois astéroïdes inconnus : 2018 YK4, 2018 YL4, et 2018 YM4. Cette découverte a pu être authentifiée à l’aide d’un système d’alertes très efficace, auquel contribuent des astronomes du CNRS, de l'Observatoire de Paris et de l'Observatoire de la Côte d'Azur, et aux observations qu'ils ont conduites à l'Observatoire de Haute Provence.

Gaia, l'arpenteur du ciel

Depuis 2014, posté au point de Lagrange L2 à 1,5 millions de km de la Terre, le satellite Gaia balaye le ciel dans un mouvement de rotation avec l’objectif de cartographier en 3D d’ici fin 2020 plus d’un milliard d’objets de notre Galaxie. Il mesure ainsi toutes les sources lumineuses de magnitude plus brillante que 20,7.

Dans le cadre de ce suivi systématique, Gaia détecte également des objets mobiles par rapport aux sources fixes : essentiellement des astéroïdes. Le catalogue DR2 (deuxième remise de données: Data Release) publié le 25 avril 2018 avait ainsi rapporté les observations de plus de 14 000 astéroïdes réalisées par Gaia entre 2014 et 2016. Le prochain catalogue prévu pour 2021 complètera cet échantillon par 300,000 autres astéroïdes. Mais certains des astéroïdes observés par Gaia sont inconnus lors de leurs observations.

Un système d’alerte très efficace

Les détections par Gaia d’astéroïdes non encore connus, ni catalogués, font l’objet d’un système de lancement d’alertes très sophistiqué, dont la mise en oeuvre est assurée depuis 2016 par un consortium auquel contribuent largement des astronomes et ingénieurs de l’Observatoire de Paris, à l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE, CNRS/Observatoire de Paris-PSL/Université de Lille/Sorbonne Université), et du laboratoire Joseph-Louis Lagrange (LAGRANGE, CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Nice-Sophia Antipolis).

Lorsqu'un objet mobile est détecté par Gaia mais ne correspond à aucun astéroïde connu, le traitement journalier des données Gaia hébergé par le Centre National d'Études à Toulouse démarre un processus de calcul de l'orbite de ce nouvel objet. Si les observations réalisées par Gaia sont très précises, elles ne couvrent généralement que peu de temps (quelques heures, jours). Il est alors rare de déterminer une solution orbitale unique, et le système génère toutes les orbites pouvant correspondre aux observations Gaia.

Ce calcul permet de prédire et de visualiser la zone du ciel où un observateur terrestre a la possibilité de retrouver le nouvel astéroïde. Une alerte correspondant à l'objet est alors injectée dans la base de données Gaia-FUN-SSO, et un réseau d'observatoires au sol y réagit pour valider les détections dans l'espace.

Dans le cas des trois découvertes récentes, des astronomes de l’IMCCE ont pu suivre au télescope de 1,20 m de l’Observatoire de Haute-Provence les trois nouveaux objets, et en valider la détection. Les positions des trois nouveaux objets mesurées depuis l’espace par Gaia, leur découvreur, puis au sol, ont été envoyées aux Etats-Unis, au Minor Planet Centre, au Smithonian Astrophysical Observatory. Sous l’égide de l’UAI (Union Astronomique Internationale), celui-ci centralise toutes les observations réalisées au niveau international et a attribué à chacun une désignation officielle : 2018 YK4, 2018 YL4, 2018 YM4.

Déjà plus de 120 astéroïdes validés

C'est dans le cadre de ce système d'alerte que plus de 120 astéroïdes ont été détectés depuis le sol, validant leur observation par Gaia. Ce sont essentiellement des objets de la ceinture principale située entre Mars et Jupiter. Néanmoins, suivant les règles internationales strictes régissant l'attribution des découvertes, seuls les trois objets 2018 YK4, 2018 YL4, et 2018 YM4 sont officiellement portés au crédit de Gaia. Les autres objets n'avaient pas d'orbite permettant leur identification lors de leur observation par Gaia, mais avaient néanmoins été vus par d'autres observatoire avant.

Orbites des 14 000 astéroïdes connus (avec le Soleil au centre de l’image) publiées dans le deuxième catalogue de Gaia, en avril 2018. En gris, figure la trajectoire des 3 astéroïdes nouvellement découverts par Gaia en décembre 2018. Tous trois ont des orbites à plus forte inclinaison (15 degrés ou plus) que la plupart des astéroïdes naviguant dans la ceinture principale.

Contributions

Ces observations pour valider ces détections d'objets nouveaux sont le fruit d'un travail international qui implique le groupe CU4-SSO du consortium Gaia DPAC, les ingénieurs du CNES en charge du traitement initial des données Gaia, les astronomes et ingénieurs de l'Observatoire de Paris et de l'Observatoire de la Côte d'Azur pour la mise en oeuvre du système de propagation des alertes (J. Berthier, P. David, et S. Vaillant à l'IMCCE et B. Carry à l'Observatoire de la Côte d'Azur) et la coordination du réseau Gaia-FUN-SSO (W. Thuillot, IMCCE)., et les observateurs des observatoires en particulier : Observatoire de Haute-Provence, Kyiv Comet station, Odessa-Mayaki, Terskol, C2PU-Calern-Observatoire de la Côte d'Azur, LCOGT-Las Cumbres Observatory Global Telescope Network.

A l'Observatoire de la Côte d'Azur, Benoît Carry est le responsable de la diffusion des alertes vers la communauté, dès qu'une découverte potentielle d’astéroïde se produit, dans le cadre du réseau international Gaia-Follow Up Network- Solar System Objects (Gaia-FUN-SSO). C'est la partie émergée de l'iceberg du traitement journalier des données Gaia. Suite au traitement particulier pour les astéroïdes potentiellement nouveau, le système prédit automatiquement la position de la découverte potentielle dans les jours/semaines à venir et les diffuse via le service Web.

A l'Observatoire de Paris, William Thuillot est en charge de la coordination du réseau de télescopes qui suivent les alertes. A ce jour, plus de 150 observateurs dans des dizaines d'observatoires de part le monde se sont inscrits dans le système de diffusion des alertes.

A l'Observatoire de la Côte d'Azur, Federica Spoto, experte en mécanique céleste, intervient quand des observations au sol sont effectuées et vérifie si l'objet observé correspond à celui vu par Gaia. Si la vérification est positive, elle envoie les mesures au Minor Planet Center où la découverte est entérinée.

A l'Observatoire de la Côte d'Azur, Paolo Tanga est le responsable du traitement des objets du système solaire au sein du consortium Gaia. Il pilote le groupe européen de scientifiques qui ont mis en place les algorithmes pour extraire la position des astéroïdes dans les données Gaia.

Un programme dédié d’observation à l’OHP est notamment piloté par l’IMCCE depuis 2014 pour la validation des alertes astrométriques pour les objets du système solaire et photométriques pour d’autres alertes scientifiques (en collaboration avec S. Bouquillon, D. Souami et F. Taris, SYRTE ; B. Carry, M.
Delbo, F. Spoto, P. Tanga OCA ; M. Dennefeld, IAP). Ce programme à l’OHP est financé par le Service National d’Observation Gaia. Un autre programme est en cours au LCOGT en collaboration internationale pour la détection des nouveaux objets du cadre Gaia-FUN-SSO et Ground Based Optical Tracking GBOT
(R. A. Mendez Santiago Univ., S. Bouquillon et D. Souami, SYRTE, F. Spoto, OCA, W. Thuillot, IMCCE). L'OCA participe aussi directement aux observations du réseau Gaia-FUN-SSO avec le télescope C2PU (J. P. Rivet)

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