Les volcans éteints peuvent-ils se réveiller ?

Résultat scientifique Terre Solide

Contrairement aux volcans actifs, les volcans « éteints », c'est-à-dire qui n'ont pas connu d'éruption depuis 10 000 ans, ne sont que très peu étudiés, car le risque associé y est plus faible. Or, une étude parue dans Earth & Planetary Science Letters montre que le volcan Ciomadul (Roumanie) surplombe un réservoir contenant une large proportion de magma liquide malgré ses 32 000 ans d’inactivité. Bien qu’il soit impossible de prédire une éventuelle éruption volcanique, il est crucial de considérer les volcans en apparence éteints, comme Ciomadul, Yellowstone aux Etats-Unis, ou encore ceux que l'on trouve en Auvergne-Rhône-Alpes, car certains peuvent encore présenter un risque.

Le volcan Ciomadul et son lac reposant dans le cratère formé lors de la dernière éruption du volcan il y a 32 000 ans.© István Fodor

Les éruptions volcaniques sont des phénomènes souvent spectaculaires, mais aussi potentiellement dangereux. C’est pourquoi il est important de comprendre les volcans, afin de mieux anticiper les risques liés à leurs éruptions. Si les volcans actifs sont largement appréhendés, il existe une classe de volcans encore peu considérée, et dont on ne peut estimer le risque : les volcans qui n’ont pas émis de lave depuis 10 000 ans, appelés volcans "éteints" ou "inactifs". Or une équipe internationale de chercheurs issus de laboratoires de France, de Suisse, de Hongrie et de Roumanie, a montré que ces volcans peuvent se réveiller même après une longue période d’inactivité car le réservoir magmatique n’est pas encore complètement refroidi. L'étude a été publiée dans Earth & Planetary Science Letters.

Pour comprendre la réactivation des volcans en apparence inactifs, les chercheurs se sont intéressés en particulier au volcan Ciomadul, en Roumanie, dont la dernière éruption remonte à 32 000 ans. Pour cela, plusieurs approches ont été combinées. La première est une approche pétrologique : en étudiant la dernière lave émise par le volcan, il est possible d'en déduire les conditions d'émission du magma depuis la base de la croûte terrestre (pression, température, composition chimique). Il est ainsi possible aux chercheurs de déduire la température du réservoir il y a 32 000 ans, lors de la dernière éruption : la température du magma juste avant son éruption était de 815°C, tandis que le magma cristallisé, stocké à long terme dans le réservoir avait une température de 715°C.

Ces températures déduites ont ensuite été utilisées pour simuler l’évolution thermique du réservoir, par calculs numériques : c'est la seconde approche. Le réservoir superficiel alimenté par l’injection répétée de magma a une température supérieure aux roches qui l’entourent. La dissipation de la chaleur du réservoir a été calculée, en s’appuyant sur le volume du réservoir estimer par les données géophysiques obtenues précédemment1 . En assumant l’absence de recharge de magma chaud, cette approche numérique estime qu'il faut au total environ 250 000 ans pour que le réservoir superficiel puisse refroidir et se cristalliser entièrement. Ainsi aujourd’hui, "seulement" 32 000 ans après la dernière éruption, il resterait donc en moyenne 15 % de magma liquide dans le réservoir du volcan Ciomadul. Ce nombre monte localement jusqu'à 45 % de magma liquide, celui-ci n’étant pas distribué de manière homogène dans le réservoir.

Pour vérifier ces prédictions, une troisième approche expérimentale a été mise en place : elle consiste à mesurer en laboratoire, dans des appareils reproduisant les conditions de pression et températures rencontrées dans la nature, la conductivité électrique de la lave (ici de la dacite) émise par le volcan Ciomadul, et de comparer ces résultats avec les observations géophysiques du volcan. A partir des conditions d'émission du magma préalablement déduites par l’approche pétrologique, et des données géophysiques observées sous le volcan Ciomadul, les chercheurs en sont venus à confirmer l’approche numérique : du magma (liquide + cristaux + gaz) est ainsi encore bien présent sous Ciomadul. Ce magma contient entre 20 et 58 % de liquide silicaté riche en eau, soit une quantité significative puisque l’eau est le moteur de la plupart des éruptions volcaniques, et que le magma est facilement remobilisable s’il contient plus de 50 % de liquide.

Bien qu’il soit impossible de prédire une éventuelle éruption volcanique, il est crucial de considérer les volcans en apparence éteints car certains peuvent encore présenter un risque. C’est le cas de nombreux volcans de par le monde, tel que le célèbre Yellowstone (USA), Colli Albani (Italie), Cerro Uturuncu (Bolivie), ou encore les volcans d’Auvergne-Rhône-Alpes. Pour cela, plutôt que de se reposer sur une période d’inactivité, il faut caractériser le système magmatique sous le volcan en passant nécessairement par une approche multidisciplinaire telle que démontrée dans ce travail.

  • 1https://doi.org/10.1016/j.jvolgeores.2014.12.006
Schéma du système magmatique sous le volcan Ciomadul, caractérisé par une approche multidisciplinaire : pétrologie (1), simulations numériques (2), pétrologie expérimentales avec mesures in situ (3) et géophysique (4)

Référence

Laumonier, M., Karakas, O., Bachmann, O., Gaillard, F., Lukács, R., Seghedi, I., Menand, T., Harangi, S. (2019). Evidence for a persistent magma reservoir with large melt content beneath an apparently extinct volcano. Earth and Planetary Science Letters 521, 79-90. https://doi.org/10.1016/j.epsl.2019.06.004

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Mickaël Laumonier
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