Collecte franco-italienne de micrométéorites en Antarctique

Qu'y a-t-il de plus rare que les pierres précieuses ? Probablement les pierres tombées du ciel, les météorites, qui nous renseignent sur l'histoire de notre système solaire et sur la nature du matériau extra-terrestre. Les plus grosses sont répertoriées, analysées, conservées précieusement dans des collections protégées, mais il en existe aussi de très petites, plus abondantes, les micrométéorites qui intéressent les scientifiques de longue date. En décembre dernier, Pierre Rochette du CEREGE(1) (UMR du CNRS) et Luigi Folco du Musée national de l'Antarctique (MNA) de Sienne retournaient sur un gisement qu'ils avaient découvert en Antarctique en 2004 pour une nouvelle collecte.

Le gisement en question a été découvert fortuitement sur un sommet de la chaîne trans-antarctique (a 74 degrés de latitude S), isolée au milieu de la calotte glaciaire, à l'aide d'un gradiomètre magnétique lors d'une recherche de météorite enfouie. L'étude de ces prélèvements, menée conjointement au CEREGE et au MNA avec un soutien du Programme National de Planétologie et de l'ANR (Agence Nationale de la Recherche), a permis d' estimer la période durant laquelle ces micrométéorites sont tombées sur Terre au dernier million d'années. Leur très bonne conservation et le fait que aucun processus ultérieur comme l'altération ou la dispersion par le vent n'ait modifié le spectre des particules les rendent particulièrement aptes aux analyses.

En décembre dernier, les deux chercheurs sont retournés en Antarctique dans le cadre du PNRA (le programme antarctique Italien(2)) afin de rapporter plus de matériel et confirmer ces premières conclusions. Ils ont découvert d'autres gisements de micrométéorites, du même type, sur plusieurs sommets. Leur récolte a été impressionnante : plus de 3 000 micrométéorites de plus de 400 microns déjà extraites magnétiquement ou au microscope pendant le séjour à la base antarctique Mario Zuchelli ; des "méga micrométéorites" de 2 millimètres, taille jamais observée précédemment ; et une estimation de plusieurs millions de micrométéorites de plus de 100 microns. À titre de comparaison l'ensemble des collections antarctiques précédemment effectuées comprend seulement 150 micrométéorites de taille supérieure à 400 microns. Ils ont pu, au passage, rapporter une douzaine de météorites du champ "mythique" d'Allan Hills là où a commencé la collecte américaine en 1976. Au cours de 16 expéditions successives les américains auront récolté dans ce champ 1814 meteorites dont 2 provenant de Mars, et la plus fameuse peut-être de toutes les météorites : ALH84001.

Ce grand nombre de particules va permettre de savoir si les micrométéorites des derniers millénaires sont ou non de même nature que les plus anciennes datant de 1 million d'années ; de vérifier ou d'infirmer la thèse actuelle selon laquelle les micrométéorites (de taille inférieure à 800 microns) sont d'origine différente de celle des météorites (de taille supérieures à 0,5 cm) et de savoir s'il existe une classe intermédiaire. Les chercheurs espèrent trouver des types de particules jamais encore observés. La grosse taille des particules permet d'envisager l'analyse des isotopes cosmogéniques qui requièrent des masses significatives. Déjà l'équipe se concentre sur des sphères de verre très siliceuses (microtektites) inconnues jusque-là en Antarctique, qui proviennent et signalent un très gros impact sur la Terre. De telles billes de verres ont été observées et décrites en Asie du sud-est et Océanie, correspondant à un impact géant survenu en Indochine, il y a 780 milliers d'années. Les microtektites observées en Antarctique proviennent-elle de cet impact ou bien d'un autre cratère inconnu et plus proche de l'Antarctique ? Les recherches sont en cours.

Notes

 

  1. CEREGE : Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences de l'Environnement, Unité mixte de recherche CNRS, IRD, Université Paul Cézanne, Université de Provence (Aix-Marseille)
  2. Avec une contribution de l'IPEV pour P. Rochette.

Contact

Pierre Rochette
Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE) / OSU Pythéas