Odile Barres reçoit le cristal 2009 du CNRS

Prix et distinction

Quel rapport entre une pierre précieuse et du gaz carbonique ? Réponse : la spectroscopie infrarouge,

spécialité d’Odile Barres, ingénieure responsable du département de spectroscopie infrarouge appliquée (DESIRA) du Laboratoire environnement et minéralurgie (LEM1).

Après une thèse soutenue à Nancy en 1990 en chimie et physicochimie moléculaires et un passage dans le secteur privé, la jeune femme entre au CNRS en 1992. Au fil du temps, elle expérimente un très grand nombre de modes de spectroscopie infrarouge tels que la réflexion diffuse (chimie de surface des solides divisés), la microscopie et l’imagerie IR (inclusions fluides) ou la télédétection par émission IR (gaz atmosphériques).

Mais ce sont les émeraudes, via l’étude des molécules d’eau et de CO2, qui vont la rendre célèbre. Ces pierres précieuses, de la famille des béryls, sont extraites des mines de Colombie – les plus demandées –, du Brésil, du Pakistan, d’Afghanistan, de Madagascar, de l’Oural... Comment reconnaître l’origine géographique de ces émeraudes et savoir s’il s’agit bien de pierres naturelles ?

En 1995, avec Alain Cheilletz, professeur à l’ENSG2, spécialiste en métallogénie, et Philippe de Donato, directeur de recherche au CNRS, physicochimiste, Odile se penche sur la question.Il faudra quelques années de recherche à cette équipe nancéienne, qui travailla en partenariat avec le joaillier Mauboussin, pour montrer que les environnements chimiques des molécules d’eau naturellement deutérées, piégées dans les canaux de l’émeraude au moment de sa formation, permettent de coder l’origine géographique de la gemme. Ces environnements chimiques forment alors un véritable code génétique du minéral. On peut ainsi connaître la provenance géographique de la pierre « sans même la dessertir » !

Entre 1999 et 2002, les chercheurs déposent quatre brevets dont un aux États-Unis. Une première mondiale qui marque encore aujourd’hui l’avance de la recherche française dans ce domaine.

Elle passe en 2005 de l'analyse des émeraudes au stockage géologique des déchets nucléaires et du CO2.

Mais Odile n’est pas seulement une dame aux bijoux, elle veille aussi sur l’environnement. « Dans les cyclosilicates, dont les béryls font partie, je m’étais également intéressée à la signature IR d’une autre hétéromolécule : le dioxyde de carbone. » Ceci l’amène naturellement à travailler sur la métrologie des gaz en milieu naturel et la voici passant, en 2005, de l’analyse des émeraudes au stockage géologique des déchets nucléaires et du CO2, « deux problématiques environnementales majeures pour notre planète ».

Elle participe à de nombreux programmes ANR, ou en partenariat avec Total ou l’Andra, et contribue à la mise en place d’outils de télédétection terrestre des gaz atmosphériques et à l’établissement des futures normes européennes de surveillance et de sécurisation des sites de stockage souterrain. Elle a ainsi participé à des avancées scientifiques significatives sur les deux principaux gaz à effets de serre : le dioxyde de carbone et le méthane. Ce qui ne l’empêche pas de publier : elle a cosigné une soixantaine de publications, dont une dans la revue Nature, en 2005.

Passionnée, enthousiaste, cette Nancéienne de 46 ans, mère de deux jeunes filles, aime le ski, la musique et... le travail dans la bonne humeur. « Parce que c’est tellement mieux ! »

Notes

 

  1. Laboratoire environnement et minéralurgie (LEM) : CNRS / Institut national polytechnique de Lorraine (INPL)
  2. École nationale supérieure de géologie.