Patrick Hennebelle reçoit la médaille de bronze 2008 du CNRS

Prix et distinction

Bien que - ou parce que - né dans une famille de littéraires, Patrick Hennebelle1 a su dès la classe de troisième qu’il serait astrophysicien.

Après l’ENS, il fait un DEA puis une thèse, à l’Observatoire de Paris, sur la dynamique du milieu interstellaire. Après un post-doc de deux ans à l’université de Cardiff et un passage au CNES, il entre en 2004 au CNAP comme astronome adjoint. Son domaine de recherche : la formation des étoiles et la compréhension du cycle de la matière interstellaire au cours duquel le gaz se condense depuis les phases les plus diffuses jusqu’à la formation de l’étoile. « La compréhension de ce cycle est un élément clé de notre connaissance de l’univers. »

Très vite il s’impose sur le plan national et international par ses qualités de physicien et de numéricien, aboutissant à de véritables avancées dans ce domaine difficile et controversé. À l’encontre des idées reçues, il réussit à faire admettre que la turbulence des nuages moléculaires au sein desquels se produit la formation stellaire n’est pas une turbulence supersonique et isotherme - ce qui était la doctrine établie - mais une turbulence multiphasique puisque dans le nuage coexistent un milieu chaud et diffus et des fragments froids et denses. Très réticents au début - le milieu est parfois houleux et les controverses y font rage - les experts mondiaux admettent mieux aujourd’hui le bien fondé de cette nouvelle physique.

«La formation des étoiles touche au maintien de l'écologie galactique ainsi qu'à l'émergence de la vie dans l'univers. »

Patrick s’intéresse également aux effets de la gravité qui joue un rôle important dans la compression du milieu originel menant à la formation des nuages moléculaires géants et des cœurs denses préstellaires. À cette fin, il met en œuvre des simulations numériques lourdes qu’il confronte aux observations réalisées au moyen des grands télescopes. Il poursuit maintenant le développement des simulations numériques 3D en incluant le champ magnétique (MHD). Une piste d’avenir car la nécessité d’inclure le rôle du champ magnétique ne fait pas de doute pour comprendre la formation stellaire. Là aussi, le domaine est très compétitif.

Pourquoi ces conflits de théoriciens ? Quels en sont les enjeux ? « La formation des étoiles est importante parce qu’elle touche au maintien de l’écologie galactique ainsi qu’à l’émergence de la vie dans l’univers, en particulier depuis la découverte des exoplanètes. » Parmi les nombreux travaux de notre lauréat on peut citer des collaborations avec l’équipe de l’université de Cardiff sur la fragmentation lors de l’effondrement préstellaire, ainsi qu’avec des astrophysiciens du CEA (notamment problèmes d’écoulements thermiquement bistables, contribution au développement d’une version magnétohydrodynamique d’un code à maillage adaptatif et confrontation étroite entre simulations et observations).

Mais le meilleur reste à venir pour ce jeune chercheur de 36 ans qui jouera certainement un rôle majeur dans l’exploitation de grands instruments comme Herschel ou ALMA2. « Les dix prochaines années vont être décisives » dit-il sobrement Entre ses voyages, ses colloques, son enseignement à l’ENS et à Paris 6, Patrick court après le temps et en consacre le plus possible à ses trois jeunes enfants.

Notes

 

  1. Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique (LERMA) : Observatoire de Paris / CNRS / Universités de Cergy-Pontoise et Paris 6 / Ecole normale supérieure (ENS) Paris
  2. Atacama Large Millimeter Array, réseau de 54 radiotélescopes qui donneront des images radio de l’univers avec un niveau de détail sans précédent.