La gestion intensive des sols laisse l'Europe sans puits de carbone

Une étude internationale associant des chercheurs du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CEA, CNRS et Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) montre que le pourcentage des émissions anthropiques de CO2 stocké par les prairies et les forêts européennes est compensé par les sources d'autres gaz à effet de serre issues de la gestion des sols et des pratiques agricoles. La diminution de ces dernières apparaît donc comme une priorité dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces résultats ont été publiés en ligne par la revue Nature Geoscience le 22 novembre 2009.

Près de la moitié des émissions de gaz carbonique (CO2) résultant de l'activité humaine s'accumule dans l'atmosphère et contribue ainsi au réchauffement climatique. Le reste est stocké dans les océans et les écosystèmes terrestres tels que les forêts ou les prairies. "Les écosystèmes terrestres et aquatiques nous offrent ainsi un rabais de 50% sur le réchauffement climatique et leur gestion constitue l'un des principaux outils pour atténuer l'évolution du climat", explique Philippe Ciais, directeur adjoint du LSCE. "Cependant, l'inventaire détaillé des puits et sources des trois principaux gaz à effet de serre (CO2, méthane et oxyde nitreux) révèle que, pour le continent européen, ce rabais n'est peut-être pas aussi important que cela".

Haut : Flux total de CO2 en Europe.
Bas : Somme de toutes les sources et puits de gaz à effet de serre en Europe (CO2, CH4 et N2O) rapportée en équivalent CO2. © LSCE.
En effet, une étude réalisée par une équipe internationale, comprenant plusieurs chercheurs du LSCE, fournit le premier bilan des flux de gaz à effet de serre échangés entre l'atmosphère et le continent européen. Cette équipe a été capable d'améliorer des bilans précédents en produisant deux estimations indépendantes. La première est basée sur des mesures directes des flux de gaz à effet de serre à l'échelle de parcelles, qui sont ensuite combinées à des modèles de fonctionnement de la biosphère. La seconde, qualifiée d'approche inverse, consiste à déduire les emplacements de puits et de sources de carbone des différences entre les concentrations mesurées en des points distincts du globe. Ce nouvel inventaire confirme l'existence d'un important puits de carbone dans les forêts et prairies européennes capable de compenser environ 15% des émissions associées à la combustion d'énergies fossiles.

"Cependant, l'ensemble des écosystèmes européens étant géré, ils émettent de l'oxyde nitreux via la fertilisation des prairies et des cultures ainsi que du méthane provenant des tourbières ou de la fermentation entérique des ruminants", poursuit Philippe Ciais.
L'inventaire réalisé révèle que les émissions de méthane et d'oxyde nitreux compensent presque entièrement le puits biosphérique de CO2, laissant aux écosystèmes terrestres d'Europe la capacité d'absorber seulement l'équivalent de 2% des émissions domestiques, industrielles et dues au transport.

"Nos recherches suggèrent que la réduction des émissions de méthane et d'oxyde nitreux liées à la gestion des terres doit être une priorité si l'on veut que les écosystèmes terrestres d'Europe contribuent davantage à atténuer le réchauffement climatique", conclut Philippe Ciais.