Expansion et diversité floristique des mangroves lors des maxima thermiques

Résultat scientifique Terre Solide

Les végétaux peuplant les mangroves sont d’excellents indicateurs de l’expansion latitudinale des milieux tropicaux. Dans le prolongement de notre découverte au Pôle Nord d’une mangrove exclusivement peuplée par le palétuvier Avicennia entre 56 et 40 millions d’années1 , nous avons recherché comment la diversité floristique des mangroves s’était déployée lors des trois maximas thermiques des 60 derniers millions d’années. Pour répondre à cet objectif, nous avons extrait, identifié et dénombré les grains de pollen de dix-huit dépôts sédimentaires (forages et affleurements) distribués du Nord au Sud en Atlantique et en Méditerranée en fonction de leur paléolatitude, datant respectivement de 56 Ma (Paleocene-Eocene Thermal Maximum, PETM), 54-49 Ma (Early Eocene Climatic Optimum, EECO) et 17-14 Ma (Mid-Miocene Climatic Optimum, MMCO). Deux seuils latitudinaux ont été mis en évidence à l’Eocène inférieur, vers 65-70°N et 35°N, qui délimitaient trois types de mangroves similaires aux mangroves actuelles : au Nord, une mangrove constituée seulement par le genre Avicennia ; en situation intermédiaire, une mangrove modérément diversifiée mais numériquement chétive ; au Sud, une mangrove très diversifiée et dense. Ces seuils paléogènes correspondent à des inflexions dans les températures de surfaces terrestre et marine, peut-être dues à des différences d’insolation.

Aujourd’hui, la mangrove appauvrie à Avicennia parvient à s’extraire de 9° en latitude de la mangrove diversifiée, supportant des températures plus basses. A l’Eocène inférieur et au Miocène moyen, cette limite d’expansion latitudinale atteignait 10 à 15°, c’est-à-dire avec un écart latitudinal de même ordre ou légèrement supérieur à celui qui est observé actuellement. Nous montrons aussi que l’individualisation des deux provinces actuelles de mangroves (atlantique–est-pacifique et indo–ouest-pacifique) est intervenue progressivement à partir de l’Eocène moyen. Enfin, nos résultats paléobotaniques soutiennent l’hypothèse de l’origine téthysienne des mangroves par rapport à une origine supposée en Asie du Sud-Est fondée sur leur diversité floristique actuelle.

  • 1https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/une-mangrove-au-pole-nord-il-y-50-millions-dannees
Les trois types de mangroves à l’Eocène inférieur définis selon leur diversité floristique et l’abondance relative de leurs grains de pollen dans les dépôts sédimentaires situés sur la carte paléogéographique.© S.-M. Popescu

Pour en savoir plus

Mangrove distribution and diversity during three Cenozoic thermal maxima in the Northern Hemisphere (pollen records from the Arctic–North Atlantic–Mediterranean regions)

Popescu S.-M., Suc J.-P., Fauquette S., Bessedik M., Jiménez-Moreno G., Robin C., Labrousse L., 2021. Journal of Biogeography, 48, 2771-2784.

L’équipe collaborative à l’origine de ce travail, conduite par un chercheur d’une PME, inclut quatre scientifiques rattachés à l’INSU et deux chercheurs étrangers.

Contact

Jean-Pierre Suc
ISTEP