À la surface des lunes glacées de Jupiter

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Les quatre satellites de Jupiter découverts par Galilée en 1610 sont les objets célestes les plus proches du Soleil qui soient entièrement recouverts de « glace ». Les surfaces d'Europe, Ganymède et Callisto sont constituées de glace d’eau (H2O). Pour Io, il s’agit de « glace » de composés soufrés, comme SO2 et H2S, que l’on peut retrouver sur Terre dans des contextes volcaniques. Toutes ces glaces sont des solides moléculaires, c’est-à-dire des phases solides dont la brique élémentaire est une molécule. Alors que les liens entre atomes au sein d’une molécule sont très forts, les liens entre molécules sont relativement faibles, de sorte que l’on peut facilement les casser pour libérer les molécules. Une fois libres, ces molécules forment un gaz. Ce passage de l’état solide à l’état gazeux est appelé sublimation. À l’inverse, il est relativement facile de créer ces ponts lorsque les molécules se rapprochent. Ce passage de l’état gazeux à l’état solide est appelé condensation.

La glace d’eau est un solide moléculaire. Les molécules d’eau sont en rouge (atome d’oxygène) et blanc (atome d’hydrogène) et les liaisons faibles en pointillés.

Les glaces des satellites de Jupiter sont majoritairement solides mais parfois, sous l’effet du volcanisme, du bombardement de micrométéorites ou même de l’éclairement solaire, elles peuvent se sublimer puis se recondenser. Leurs surfaces sont donc dynamiques à l’échelle microscopique. Si l’on souhaite, un jour, envoyer des missions se poser à la surface de ces lunes, il faut d’abord caractériser et comprendre les mécanismes d’évolution de leur micro-texture. S’agit-il de régolite poudreux (la couche de poussière produite par l'impact des météorites à la surface) comme sur la Lune ? Y-a-t-il une couche compacte en-dessous et si oui à quelle profondeur ? Certains scientifiques ont même suggéré que des pénitents pourraient se former sur les lunes glacées de Jupiter. Les pénitents sont des objets de glace atypiques que l’on trouve sur Terre à haute altitude et fort éclairement (comme dans les massifs andins) et qui ne fondent jamais, même en plein été, car il fait trop froid. L’eau alterne entre solide et gaz par condensation et sublimation. Ces conditions ressemblent à celles du satellite Europe. Imaginez une mission d’exploration spatiale qui tenterait de se poser sur un tel terrain : ce serait catastrophique !

Le désert de l’Atacama de nuit avec des pénitents de glace © Babak Tafreshi

Au-delà d’étudier un potentiel atterrissage, l’enjeu est aussi de comprendre les mécanismes d’évolution des surfaces planétaires glacées. Pour cela, on emploie des techniques de télédétection, qui permettent d’analyser la surface à distance, sans se poser au sol. Ces techniques comprennent la spectroscopie (étude de la lumière réfléchie en fonction de la longueur d’onde), la photométrie (observation d’une surface sous plusieurs angles d’éclairement et de visée) et la polarimétrie (décomposition de la lumière en fonction de sa propagation). Plusieurs missions spatiales, des instruments télescopiques au sol ou en orbite terrestre (comme le Hubble Space Telescope et, depuis cette année, le James Webb Space Telescope) ont déjà étudié ces quatre lunes joviennes. L’enjeu scientifique actuel consiste à analyser toutes ces données conjointement afin de préparer au mieux les futures missions Juice et Europa Clipper.

Auteur

Frédéric Schmidt, enseignant-chercheur de l’Université Paris-Saclay au laboratoire géosciences Paris-Saclay (GEOPS – IPSL – OSUPS)

Tutelles : CNRS / Université Paris-Saclay