Trouver la vie sur les lunes de Jupiter ?

Explorations Univers

Jusqu’à il y a peu, on considérait que la zone d’habitabilité du Système solaire se situait à une distance au Soleil permettant de disposer d'eau liquide à la surface de la planète, soit entre Venus et Mars. Cette définition a été revue avec la découverte par la sonde Galileo de sérieux indices de l'existence d'océans à l’intérieur de certaines des lunes de Jupiter. On considère à présent quatre conditions d’habitabilité : la présence d’eau liquide, une source d’énergie (comme la tectonique des plaques ou les forces des marées), la présence de nutriments comme les 6 éléments chimiques majoritaires chez les êtres vivants,  et enfin, un environnement stable. De plus, l’existence d’un champ magnétique s’avère importante pour protéger la vie du vent solaire qui détruit les atmosphères.

Parmi les 4 principaux satellites de Jupiter, Io ne semble pas la candidate idéale, avec ses 400 volcans actifs et ses lacs de lave.  Callisto quant à elle semble sans activité géologique.  En revanche, des mesures par la mission Galileo et par le Télescope Hubble (HST) ont révélé des indices de la présence de sources d’énergie et d'un océan d'eau salée liquide subglaciale sur Europe. Il en est de même pour Ganymède, qui est par ailleurs le seul satellite à posséder son propre champ magnétique généré à l'aide d'un effet dynamo actif et qui interagit avec la magnétosphère de Jupiter. C’est pour ces raisons que ces lunes sont visées par les missions Europa Clipper1 (cf note) et Juice 2

Pour un grand nombre de scientifiques, Europe est la meilleure chance de trouver de la vie dans le Système solaire. Sur la surface glacée, on aperçoit un réseau de fissures qui sont vraisemblablement des résurgences d’eau, comme on en voit en Arctique. Des geysers jaillissent de temps à temps. Ces observations suggèrent la présence d’un océan d’eau liquide souterrain mais proche de la surface, et possiblement en contact avec le cœur silicaté. Si les très fortes radiations de Jupiter exterminent toute forme de vie ou de précurseur à sa surface, ne peut-on espérer trouver sous la surface des écosystèmes comme ceux des sources hydrothermales de nos océans, qui s’avèrent grouiller de vie malgré des conditions inhospitalières ?  Les observations du télescope Hubble ont permis de montrer que certaines régions reflétaient une composition dominée par du chlorure de sodium, ce qui suggère justement une circulation hydrothermale ! La sonde Europa Clipper en effectuera une reconnaissance détaillée afin de déterminer les caractéristiques de son océan et son niveau d'habitabilité. Elle étudiera également les panaches de vapeur d’eau. S'ils sont liés à l'océan interne d'Europe, on pourra en savoir plus sur la composition chimique de l'environnement d'Europe sans avoir à forer à travers des couches de glace.  

Ganymède, le plus gros satellite naturel du système solaire, est la cible principale de la mission spatiale Juice. Son champ magnétique induit témoigne de la présence à l’intérieur d’un milieu conducteur qui pourrait être un océan d’eau liquide, d’un volume bien supérieur à celui des océans terrestres et piégé entre deux couches de glace. Ce champ magnétique interagissant avec la magnétosphère jovienne produit des aurores., dont les faibles oscillations confortent la théorie de l’océan souterrain. Juice devra donc mesurer avec précision les caractéristiques de l’océan et du champ magnétique de Ganymède.

  • 1Le lancement d’Europa Clipper par la NASA est prévu en octobre 2024 pour une arrivée mi-2030,
  • 2Le lancement de Juice par l’ESA est prévu en avril 2023 pour une arrivée en 2031
Taste of the Ocean on Europa's Surface
Dessin d'artiste d'Europe (au premier plan), de Jupiter (à droite) et de Io (au milieu)© NASA/JPL-Caltech
Ganymède, le satellite de Jupiter, vu par la sonde Galileo de la NASA.
Ganymède, le satellite de Jupiter, vu par la sonde Galileo de la NASA.NASA/JPL

Autrice

Athéna Coustenis, chercheuse CNRS au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA – Observatoire de Paris)

Tutelles : CNRS/Observatoire de Paris

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