La glace du Mont Blanc révèle une forte pollution au bismuth durant la seconde guerre mondiale

Résultat scientifique Océan Atmosphère

Considéré jusqu’à peu comme « métal vert » car non toxique, le Bismuth (Bi) est resté peu étudié dans l’environnement. Pourtant, des études récentes indiquent que les organismes vivants sont affectés par exposition au bismuth1 . L’augmentation de sa concentration dans l’environnement est prévisible du fait de sa présence dans le charbon et de la croissance de ses applications industrielles (additifs métallurgiques, alliages, chimie dont la pharmacie) autant de sources qui ne sont pas ou mal quantifiées. Une étude, dans laquelle plusieurs laboratoires CNRS sont impliqués (voir encadré) révèle une forte pollution au Bismuth pendant la deuxième guerre mondiale.

L’analyse chimique dans les carottes de glace prélevées au Col du Dôme dans les Alpes a été utilisée pour documenter la pollution au Bi en Europe au cours de 20ième siècle. Ces données ont été comparées aux dépôts estimés par le modèle de dispersion d’aérosol FLEXPART utilisant les données statistiques de consommation de charbon et d’utilisation métallurgique du Bi. Après 1950, un bon accord entre teneurs dans la glace et dépôts estimés par FLEXPART est observé indiquant que l’utilisation métallurgique du Bi (additif à l’acier et l’aluminium facilitant l’usinage, alliages à bas point de fusion pour fusibles de sécurité) est à l’origine de la pollution durant la seconde partie du 20ième siècle, celle-ci diminuant après 1970 suite à l’installation de filtres dans les fonderies. Il en va de même pour les années 1920 durant lesquelles les émissions par la métallurgie dominent toujours celles dues à la combustion du charbon.

Par contre, la glace révèle une pollution maximale entre 1935 et 1945, ce qui suggère l’existence d’une autre source. La cause la plus probable de ces émissions importantes de Bi dans l’atmosphère semble être son utilisation militaire importante durant la guerre d’Espagne et la 2ième guerre mondiale pour l’aviation (aluminium) et les fusibles de décompression de gaz pour les obus et les réservoirs de carburants d’engins militaires, l’usage militaire de ces produits ayant alors probablement émis beaucoup plus de Bi que leur utilisation civile. 

  • 1Réduction du métabolisme des spermatozoïdes chez l’homme, effets nocifs sur la reproduction du ver de terre et la croissance des plantes.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphèriques (LISA - IPSL)

Tutelles : CNRS / UPEC / Univ. Paris Cité

  • Institut des géosciences de l'environnement ( IGE - OSUG)

Tutelles : CNRS / UGA / IRD / INRAE

(a) Evolution du bismuth dans la glace du Mt Blanc, (b) comparaison avec les dépôts simulés liés à la combustion du charbon (en noir) et la métallurgie du bismuth (carrés bleus) depuis 1850 en Europe. En grisé le maximum de pollution entre 1935 et 1945. © M. Legrand & Al.

Pour en savoir plus

Legrand, M., McConnell, J.R., Bergametti, G. et al. Alpine-ice record of bismuth pollution implies a major role of military use during World War IISci Rep 13, 1166 (2023).

Contact

Michel Legrand
Chercheur CNRS au laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphériques (LISA)
Suzanne Preunkert
Chercheuse CNRS à l’institut des géosciences de l'environnement (IGE)