New Jersey (IODP, Expédition 313)
Le contexte global
Le réchauffement climatique de la planète, qui affecte déjà certaines régions par la remontée du niveau de la mer, a des conséquences sur les littoraux et les populations qui y vivent. Cette situation nouvelle fait du devenir des milieux littoraux un des problèmes scientifiques cruciaux d'aujourd'hui. La validation des modèles prédictifs de l'impact potentiel des activités humaines sur le climat et leurs conséquences à la surface de la Terre réclame l'observation et l'étude de conditions analogues dans le passé. Ces changements d'environnements passés sont des clés pour comprendre notre futur, accessibles par le décryptage de la sédimentation en milieu côtier.

Malgré son importance, la connaissance de la cinématique (chronologie, amplitude, vitesse) des variations globales du niveau de la mer à l'échelle des dizaines de milliers à quelques millions d'années est encore très limitée. D'où l'importance de la mission New Jersey, campagne 313 du programme IODP (International Oceanic Drilling Program) mise en œuvre par le consortium européen ECORD, au large de la côte nord-est américaine à partir du 4 mai 2009. Les conséquences pour les sciences de la Terre sont importantes pour caler la courbe de variations globales du niveau de la mer au cours des temps géologiques, explorer le sous-sol et prédire la localisation des ressources naturelles, documenter l'évolution des reliefs et des climats, et préparer les futurs bilans de matières à l'échelle de la planète.
Les objectifs de la campagne New Jersey

Comment s'enregistre l'eustatisme dans les séries sédimentaires ?
Les variations passées du niveau de la mer peuvent être identifiées dans les strates de sédiments déposées dans les bassins sédimentaires. Les chutes et les remontées successives du niveau de la mer y engendrent de nombreuses discontinuités, à toutes les échelles, dues à des érosions, des arrêts ou bien des changements du taux de sédimentation. Ces surfaces délimitent des séquences de dépôts préservés dans des environnements souvent très différents.
A l'échelle globale, il arrive pourtant que l'on identifie des séquences contemporaines remarquablement semblables sur des marges et dans des contextes tectoniques et climatiques très différents, on a alors affaire à des variations planétaires du niveau de la mer (i.e. l'eustatisme). Même s'il est clair que la tectonique et les variations d'apports sédimentaires ont aussi modulé l'enregistrement stratigraphique, le challenge est ici d'isoler les différents paramètres, pour mesurer l'amplitude des variations et en préciser l'origine.
Il est maintenant possible de distinguer l'eustatisme des effets de la déformation et du flux sédimentaire grâce à la révolution qu'à connu la géologie sédimentaire dans les années 1980, la stratigraphie séquentielle. Cette méthode montre en effet que l'enregistrement sédimentaire est une fonction de trois paramètres : l'eustatisme, la tectonique et le flux sédimentaire. La variation du niveau marin relatif, somme de la tectonique et de l'eustatisme, est défini pour un intervalle de temps, comme l'épaisseur de sédiment réellement déposée corrigée de la paléo-bathymétrie. Dans le cas de la marge du New Jersey, la déformation est faible. Les calculs effectués à partir de 7 puits sur la marge du New Jersey montrent que la subsidence locale y est faible et que seulement, 30m d'excès de subsidence à partir de 21-12 Ma, due à la charge des sédiments doivent être pris en compte. Il s'agit donc d'un site idéal pour mesurer l'eustatisme.
Mesurer l'amplitude des variations du niveau de la mer est un exercice difficile
- la ligne littorale n'atteignait qu'occasionnellement la côte du New Jersey à cette époque ;
- la récupération par carottage des séries sableuses littorales s'est révélée difficile ;
- les milieux de sédimentation profonds identifiés sur la pente continentale ne permettent pas d'évaluer les paléo-bathymétries avec suffisamment de précision. La campagne proposée permettra, par l'association de la sédimentologie et de nouvelles datations, de résoudre ces difficultés.
Déroulement de la campagne

- Une première phase du 1er mai au 24 juillet sur la plateforme de forage (LB Kayd) à 45 et 60 kilomètres des côtes du New Jersey sous 35m d'eau sera dédiée au carottage, aux mesures diagraphiques dans le trou de forage des propriétés physiques des sédiments sur carottes complètes et à la prise d'échantillons de microbiologie et géochimiques en tête d'outil.
- Une deuxième phase prévue du 6 novembre au 5 décembre à Brème (Marum Center, Allemagne) sera dédiée à l'ouverture et l'étude des carottes et à l'exploitation des mesures pétrophysiques.
Moyens déployés
Les campagnes d'imagerie sismiques ont permis d'obtenir d'excellents profils sismiques révélant bien les clinoformes dans cette région. Ils se sont déposés à l'Oligocène supérieur et au Miocène moyen (entre 23 et 11 millions d'années) à une paléoprofondeur de 0 à 60m. Les trois sites sélectionnés (MAT-1, MAT-2, MAT-3) visent à prélever des carottes de sédiments des clinoformes et à obtenir des diagraphies (enregistrements dans le puits de forage de paramètres géophysiques : radioactivité naturelle, porosité, résistivité, vitesse des ondes P, température, susceptibilité magnétique, diamètre du forage). L'analyse des sédiments permettra une bonne identification des paléo-bathymétries par l'étude de la nature des sédiments (faciès) et des âges par la détermination des foraminifères benthiques.
La totalité de l'amplitude des variations du niveau de la mer de cette période pourra être saisie entre l'amont immédiat et le pied des clinoformes c'est-à-dire à travers le point d'inflexion des clinoformes.
La profondeur actuelle à l'aplomb des sites MAT-1 à MAT-3 est d'environ 34m, représente une situation idéale pour ne pas être trop près du littoral (où les données sismiques sont rares et de mauvaise qualité), afin d'avoir un contrôle du détail des géométries, ni trop au large afin de limiter les coûts de forage.
Soutiens
Le consortium européen qui coordonne les étude de forages océaniques (ECORD) conduira l'expédition IODP 313 sur la plateau du New Jersey à travers son opérateur scientifique (ESO, ECORD Science Operator) ; un des trois opérateurs régionaux d'IODP et le spécialiste du programme des plateformes de missions spécifiques. ECORD représente 17 nations et soutient IODP en tant que membre contributeur.
Les co-chefs scientifiques
Le Professeur Gregory Mountain de Rudgers, Université de l'Etat du New Jersey, USA, et Jean-Noël Proust, Directeur de Recherche au CNRS, à l'Université de Rennes, France conduiront le groupe de scientifiques internationaux (USA, France, Japon, Grande-Bretagne, Allemagne, Corée...).
Laboratoires français impliqués
- Géosciences Rennes (CNRS, Université Rennes 1)
- Géodynamique des Chaînes Alpines (CNRS, Université de Grenoble 1)
- Domaines Océaniques (CNRS-Université de Brest)
- Géosciences Montpellier (INSU-CNRS, Université de Montpellier 2)
Pour en savoir plus
Contact
- Proust, Géosciences Rennes (INSU-CNRS, Rennes 1)