Niveau marin global (bleu clair, lissage en noir) pour l'intervalle 7-100 Ma déduit des données des carottes obtenues à terre (leg 150X, 174X). Niveau marin global (violet) pour l'intervalle 0-7 Ma déduit de δ18O. Une synthèse des données de δ18O des foraminifères benthiques de 0-100 Ma (courbe rouge),  les valeurs de Cibicidoides (0.64 x plus basses que l'équilibre) sont montrées par comparaison. La boîte rose est la valeur du niveau de la mer du Plateau Marion. Les encadrés en vert clair indiquent le[...]
Niveau marin global (bleu clair, lissage en noir) pour l'intervalle 7-100 Ma déduit des données des carottes obtenues à terre (leg 150X, 174X). Niveau marin global (violet) pour l'intervalle 0-7 Ma déduit de δ18O. Une synthèse des données de δ18O des[...]

New Jersey (IODP, Expédition 313)

Terre Solide

Le contexte global

Le réchauffement climatique de la planète, qui affecte déjà certaines régions par la remontée du niveau de la mer, a des conséquences sur les littoraux et les populations qui y vivent. Cette situation nouvelle fait du devenir des milieux littoraux un des problèmes scientifiques cruciaux d'aujourd'hui. La validation des modèles prédictifs de l'impact potentiel des activités humaines sur le climat et leurs conséquences à la surface de la Terre réclame l'observation et l'étude de conditions analogues dans le passé. Ces changements d'environnements passés sont des clés pour comprendre notre futur, accessibles par le décryptage de la sédimentation en milieu côtier.

Niveau marin global (bleu clair, lissage en noir) pour l'intervalle 7-100 Ma déduit des données des carottes obtenues à terre (leg 150X, 174X). Niveau marin global (violet) pour l'intervalle 0-7 Ma déduit de δ18O. Une synthèse des données de δ18O des foraminifères benthiques de 0-100 Ma (courbe rouge), les valeurs de Cibicidoides (0.64 x plus basses que l'équilibre) sont montrées par comparaison. La boîte rose est la valeur du niveau de la mer du Plateau Marion. Les encadrés en vert clair indiquent les périodes d'accélération de l'accrétion océanique aux rides océaniques. L'encadré vert foncé indique l'ouverture de la Mer de Norvège-Groënland et l'extrusion des basaltes Brito Arctiques. [Miller et al. 2005a]
Toutefois, si le niveau de la mer croît en moyenne d'environ 2mm/an et s'il faut se préparer à une remontée minimale de 0,5m pour ce siècle dans beaucoup de zones côtières, ce phénomène n'est pas le seul à avoir un impact sur le taux de sédimentation, la subsidence de la lithosphère et/ou les mouvements verticaux locaux en ont aussi. La géologie montre que la vitesse de variation du niveau de la mer peut être beaucoup plus élevée ou au contraire inversée, à cause de la subsidence et de la tectonique locale, et que le niveau marin global a varié de plusieurs centaines de mètres à un taux dépassant plusieurs mètres par siècle à de nombreuses reprises au cours de l'histoire de la Terre.

Malgré son importance, la connaissance de la cinématique (chronologie, amplitude, vitesse) des variations globales du niveau de la mer à l'échelle des dizaines de milliers à quelques millions d'années est encore très limitée. D'où l'importance de la mission New Jersey, campagne 313 du programme IODP (International Oceanic Drilling Program) mise en œuvre par le consortium européen ECORD, au large de la côte nord-est américaine à partir du 4 mai 2009. Les conséquences pour les sciences de la Terre sont importantes pour caler la courbe de variations globales du niveau de la mer au cours des temps géologiques, explorer le sous-sol et prédire la localisation des ressources naturelles, documenter l'évolution des reliefs et des climats, et préparer les futurs bilans de matières à l'échelle de la planète.

Les objectifs de la campagne New Jersey

Plan de position des sites de forages prévus lors de l'expédition 313 sur la plateforme du New Jersey (Etats-Unis) (MAT-1 à -3). Ces sites sont localisés en position intermédiaire entre la pente continentale forée lors du Leg 150 et 174A et la zone littorale forée lors des Legs 50X et 174AX. © IODP
La campagne New Jersey a pour objectifs d'apporter une meilleure compréhension du comportement à long terme, et à grande échelle, de la zone de transition entre la mer et la terre, et d'en déduire une courbe des variations du niveau de la mer de référence. L'équipe scientifique procédera à trois forages de 800m de long, situés entre 45 et 60 kilomètres de la côte du New Jersey à la latitude de Philadelphie dans les sédiments oligocènes (34 à 23 millions d'années) et miocènes (23 à 5 millions d'années) de la plateforme du New Jersey aux Etats-Unis et à des mesures géophysiques. Les changements majeurs qui affectent la surface de la Terre à cette époque comprennent une intense glaciation antarctique, l'optimum climatique chaud du Miocène moyen lorsque les glaciers étaient à un minimum relatif et le refroidissement tortonien (12 à 7 millions d'années).

Comment s'enregistre l'eustatisme dans les séries sédimentaires ?

Les variations passées du niveau de la mer peuvent être identifiées dans les strates de sédiments déposées dans les bassins sédimentaires. Les chutes et les remontées successives du niveau de la mer y engendrent de nombreuses discontinuités, à toutes les échelles, dues à des érosions, des arrêts ou bien des changements du taux de sédimentation. Ces surfaces délimitent des séquences de dépôts préservés dans des environnements souvent très différents.

A l'échelle globale, il arrive pourtant que l'on identifie des séquences contemporaines remarquablement semblables sur des marges et dans des contextes tectoniques et climatiques très différents, on a alors affaire à des variations planétaires du niveau de la mer (i.e. l'eustatisme). Même s'il est clair que la tectonique et les variations d'apports sédimentaires ont aussi modulé l'enregistrement stratigraphique, le challenge est ici d'isoler les différents paramètres, pour mesurer l'amplitude des variations et en préciser l'origine.

Il est maintenant possible de distinguer l'eustatisme des effets de la déformation et du flux sédimentaire grâce à la révolution qu'à connu la géologie sédimentaire dans les années 1980, la stratigraphie séquentielle. Cette méthode montre en effet que l'enregistrement sédimentaire est une fonction de trois paramètres : l'eustatisme, la tectonique et le flux sédimentaire. La variation du niveau marin relatif, somme de la tectonique et de l'eustatisme, est défini pour un intervalle de temps, comme l'épaisseur de sédiment réellement déposée corrigée de la paléo-bathymétrie. Dans le cas de la marge du New Jersey, la déformation est faible. Les calculs effectués à partir de 7 puits sur la marge du New Jersey montrent que la subsidence locale y est faible et que seulement, 30m d'excès de subsidence à partir de 21-12 Ma, due à la charge des sédiments doivent être pris en compte. Il s'agit donc d'un site idéal pour mesurer l'eustatisme.

Mesurer l'amplitude des variations du niveau de la mer est un exercice difficile

sés plus au large, au-delà du rebord de plateforme continentale (ODP Leg 150, 174A) (Figure 1). Toutefois, si ces campagnes ont permis de dater les principales limites de séquences et de les corréler à la courbe de variation du niveau des mer liée à la variation du volume des glaces (variation de l'oxygène 18), elles ne permettent pas d'espérer des résultats concluants pour le transect du New Jersey pour le Néogène (23 à 2,6 millions d'années). En effet :
  1. la ligne littorale n'atteignait qu'occasionnellement la côte du New Jersey à cette époque ;
  2. la récupération par carottage des séries sableuses littorales s'est révélée difficile ;
  3. les milieux de sédimentation profonds identifiés sur la pente continentale ne permettent pas d'évaluer les paléo-bathymétries avec suffisamment de précision. La campagne proposée permettra, par l'association de la sédimentologie et de nouvelles datations, de résoudre ces difficultés.

Déroulement de la campagne

Plateforme de forage Kayd
La campagne se déroulera en deux temps :
  • Une première phase du 1er mai au 24 juillet sur la plateforme de forage (LB Kayd) à 45 et 60 kilomètres des côtes du New Jersey sous 35m d'eau sera dédiée au carottage, aux mesures diagraphiques dans le trou de forage des propriétés physiques des sédiments sur carottes complètes et à la prise d'échantillons de microbiologie et géochimiques en tête d'outil.
  • Une deuxième phase prévue du 6 novembre au 5 décembre à Brème (Marum Center, Allemagne) sera dédiée à l'ouverture et l'étude des carottes et à l'exploitation des mesures pétrophysiques. 

Moyens déployés

Les campagnes d'imagerie sismiques ont permis d'obtenir d'excellents profils sismiques révélant bien les clinoformes dans cette région. Ils se sont déposés à l'Oligocène supérieur et au Miocène moyen (entre 23 et 11 millions d'années) à une paléoprofondeur de 0 à 60m. Les trois sites sélectionnés (MAT-1, MAT-2, MAT-3) visent à prélever des carottes de sédiments des clinoformes et à obtenir des diagraphies (enregistrements dans le puits de forage de paramètres géophysiques : radioactivité naturelle, porosité, résistivité, vitesse des ondes P, température, susceptibilité magnétique, diamètre du forage). L'analyse des sédiments permettra une bonne identification des paléo-bathymétries par l'étude de la nature des sédiments (faciès) et des âges par la détermination des foraminifères benthiques.

La totalité de l'amplitude des variations du niveau de la mer de cette période pourra être saisie entre l'amont immédiat et le pied des clinoformes c'est-à-dire à travers le point d'inflexion des clinoformes.

La profondeur actuelle à l'aplomb des sites MAT-1 à MAT-3 est d'environ 34m, représente une situation idéale pour ne pas être trop près du littoral (où les données sismiques sont rares et de mauvaise qualité), afin d'avoir un contrôle du détail des géométries, ni trop au large afin de limiter les coûts de forage.

Soutiens

Le consortium européen qui coordonne les étude de forages océaniques (ECORD) conduira l'expédition IODP 313 sur la plateau du New Jersey à travers son opérateur scientifique (ESO, ECORD Science Operator) ; un des trois opérateurs régionaux d'IODP et le spécialiste du programme des plateformes de missions spécifiques. ECORD représente 17 nations et soutient IODP en tant que membre contributeur.

Les co-chefs scientifiques

Le Professeur Gregory Mountain de Rudgers, Université de l'Etat du New Jersey, USA, et Jean-Noël Proust, Directeur de Recherche au CNRS, à l'Université de Rennes, France conduiront le groupe de scientifiques internationaux (USA, France, Japon, Grande-Bretagne, Allemagne, Corée...).

Laboratoires français impliqués

  • Géosciences Rennes (CNRS, Université Rennes 1)
  • Géodynamique des Chaînes Alpines (CNRS, Université de Grenoble 1)
  • Domaines Océaniques (CNRS-Université de Brest)
  • Géosciences Montpellier (INSU-CNRS, Université de Montpellier 2)

Pour en savoir plus

Contact

  • Proust, Géosciences Rennes (INSU-CNRS, Rennes 1)