Modélisation de la dispersion en mer des émissions de la centrale de Fukushima

Océan Atmosphère

Le groupe SIROCCO (Simulation réaliste de l'océan côtier) du Laboratoire d'aérologie (LA/OMP, CNRS/UPS) et du Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, CNRS/UPS/CNES/IRD) de l'Observatoire Midi-Pyrénées a mis en place, dès l'annonce des premières fuites radioactives de la centrale de Fukushima, et à la demande de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), un système de prévision de la dispersion en mer, à l'échelle de la côte Pacifique du Japon, des radionucléides émis.

La centrale nucléaire de Fukushima rejette des radionucléides dans l'atmosphère et dans l'eau de mer, à différentes heures et en quantités variables. Les radionucléides directement émis dans l'eau ou provenant de retombées atmosphériques sont ensuite dispersés par les courants marins qui dépendent fortement des vents, notamment dans les zones côtières. Certains se dissolvent dans l'eau de mer, d'autres non, ces derniers pouvant sédimenter, voire éventuellement s'agréger aux particules marines et l'agrégat ainsi formé sédimenter lui-même...

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a sollicité l'équipe SIROCCO pour étudier cette dispersion dans l'eau de mer des radionucléides émis par la centrale nucléaire de Fukushima. SIROCCO est un système de modélisation réaliste de l'océan côtier. C'est un outil labellisé "Code numérique communautaire" par l'INSU, ce qui signifie que l'équipe qui le développe et le maintien se doit de le mettre au service de la communauté et de répondre à des sollicitations d'intérêt national ou international. Il est composé de 4 modules : un modèle de simulation de la marée et des ondes longues appelé T-UGO, un modèle de circulation océanique 3D appelé SYMPHONIE, une plateforme d'assimilation de données et un système d'initialisation et de forçage des modèles. SIROCCO a déjà été utilisé sur les façades méditerranéenne (surtout) et atlantique, pour des sujets scientifiques variés.

Suite à la demande de l'AIEA, l'équipe SIROCCO a su mettre en place très rapidement les outils nécessaires à la modélisation de l'océan côtier de la côte Pacifique du Japon : adaptation de la grille de calcul du modèle SYMPHONIE aux caractéristiques géographiques, bathymétrie et océaniques de cette côte japonaise, récupération quotidienne des données océaniques grande échelle de Mercator Océan(1), récupération toutes les 3 heures des champs météorologiques du Centre européen de prévision météorologique à moyen terme (CEPMMT)...
Pour que le modèle puisse calculer correctement la dispersion des radionucléides, il faudrait pouvoir lui fournir des scénarios élaborés de leur émission : la nature des radionucléides rejetés, les quantités rejetées ainsi que les lieux et dates de ces rejets... Or de telles informations manquent. Des ajustement successifs sont donc réalisés au niveau des flux d'eau radioactive, utilisés dans le modèle comme provenant de la centrale, de manière à ce que le modèle reproduise le mieux possible les concentrations de césium 137 mesurées devant la centrale (une à deux mesures par jour). Les mesures réalisées plus au large ainsi que le long de la côte en direction du sud sont ensuite utilisées pour valider le résultat fourni par le modèle en terme de dispersion. Cette méthode permet ainsi d'estimer les quantités totales de césium rejetées en mer pour lesquelles il n'existe pas d'estimation directe.

Des simulations quotidiennes de la dispersion des rejets radioactifs de la centrale sont réalisées. Actuellement, les résultats les plus fiables concernent la dispersion en mer de l'eau contaminée émise par la centrale. Le transport se fait majoritairement le long de la côte, alternativement vers le nord et le sud. La dilution semble nettement plus forte transversalement à la côte avec deux ordres de grandeur sur une quinzaine de kilomètres (les concentrations sont divisées environ par 100), contre un ordre de grandeur sur la même distance le long de la côte (les concentrations sont divisées environ par 10). Les simulations de dépôt atmosphérique actuellement réalisées dans différents centres devraient permettre très prochainement de comparer la dispersion en mer de la source atmosphérique à celle de la source directe.

Actualisées tous les jours, les prévisions sont en ligne.
(la validation du modèle est également très régulièrement mise à jour).

Les animations présentées, qui débutent au 9 mars soit deux jours avant le tsunami, montrent :
  • l'évolution de diverses variables caractérisant l'état de l'océan (température, salinité et courants de surface) ;
  • la dispersion des radionucléides dans la mer.
Concernant la dispersion des radionucléides dans la mer, deux sources de radionucléides sont considérées :
  • l'émission directe en mer (migration de l'eau contaminée par les réacteurs) ;
  • les retombées des particules atmosphériques, en supposant que le dépôt se produit dans un cercle centré sur la centrale et de 200 km du rayon (préférentiellement au centre et de moins en moins au fur et à mesure que l'on s'en éloigne) ;
Pour chacune de ces sources, deux cas sont considérés :
  • les éléments se dissolvent dans la mer ;
  • les éléments restent à l'état particulaire et tombent par gravité au fond de la mer à une vitesse de 5 m par jour.

Notes

 

  1. La société civile Mercator Océan, dont les actionnaires sont le CNRS, l'IFREMER, l'IRD, Météo-France et le SHOM, est le centre français d'analyse et de prévision océaniques hauturières. Dans le contexte des rejets de la centrale de Fukushima, Mercator Océan fournit sur demande des cartes d'analyse et de prévision des courants au large de la zone (temps réel) et des conditions aux limites pour les modèles côtiers et fait des simulations de dérive de particules passives pour caractériser l'information délivrée.