Sous l'effet de serre du Miocène, le désert sud-américain reverdit
Publié dans Communications Earth&Environment, une étude révèle qu’il y a environ 8 millions d’années, le désert aride de la côte pacifique sud-américaine était couvert d’une végétation diversifiée. À partir de fossiles de feuilles et de grains de pollen retrouvés dans la formation de Pisco, des scientifiques du LOCEAN et de l’Université Cayetano Heredia (Pérou) démontrent l’existence passée d’une forêt tropical sèche.
Entre les eaux froides et poissonneuses de l'océan Pacifique et les hauts sommets des Andes, le littoral sud-américain abrite aujourd’hui un des déserts les plus arides du monde. Pourtant, au Miocène supérieur, il y a environ 8 millions d’années, ce même territoire était recouvert d’une forêt tropicale sèche. La découverte de feuilles fossiles et de pollens variés dans la formation de Pisco au sud du Pérou, atteste de la présence d’une flore riche et variée, composée d'herbacées, d'arbres adaptés à l'aridité, d'arbustes andins et même de palmiers et fougères.
Cette flore était le reflet d’un climat plus humide, avec des précipitations jusqu’à trois fois supérieures à celles enregistrées aujourd’hui dans cette zone.
Une découverte fortuite
L’étude a démarré presque par hasard grâce à Diana Ochoa, jeune chercheuse alors en postdoctorat à l’Université Cayetano Heredia de Lima. En explorant les sédiments marins du Miocène sur la côté péruvienne, connus pour leurs fossiles marins spectaculaires (cachalots géants, paresseux aquatiques et mégalodons), elle met au jour quelques feuilles d’arbres fossiles, ouvrant la voie à une analyse microscopique approfondie.
Les analyses de grains de pollen fossiles révèlent la diversité d’une flore aujourd'hui disparue, et sans analogue récent, sous les dunes de sable. Un contraste frappant avec les paysages désertiques d’aujourd’hui. Les chercheurs ont aussi estimé les précipitations annuelles moyennes (MAP) à environ 36 mm soit bien au-delà des 9 mm actuels dans la région.

Un climat du passé pour penser l’avenir
Ce passé humide et végétalisé coïncide avec un niveau de CO₂ atmosphérique supérieur à 400 ppm, seuil que notre planète a récemment dépassé (de 320ppm en 1960, nous sommes passés à 420ppm en 2020). Le Miocène tardif constitue ainsi un modèle naturel pour anticiper les effets du réchauffement climatique en cours. Contrairement aux autres déserts qui deviendraient systématiquement plus arides, cette étude révèle que le réchauffement global pourrait favoriser des épisodes de reverdissement pour le désert du Pacifique Sud-Américain, notamment par l’intensification du phénomène El Niño, à l’origine de pluies exceptionnelles.
Si les infrastructures hydrauliques limitaient leurs impacts parfois catastrophiques, ces pluies pourraient aussi représenter une opportunité pour les écosystèmes et l'agriculture dans ces régions hyperarides, qui abritent aujourd’hui environ 17 millions de personnes.

Pour en savoir plus
Laboratoires CNRS impliqués
Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN - ECCE TERRA) Tutelles : CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne univ.)