L'analyse de la propagation en surface du séisme de Mandalay en 2025 rendu possible grâce à une seule caméra de vidéosurveillance !
Une équipe de scientifiques de plusieurs laboratoires du CNRS vient de réaliser une analyse précise de la source du séisme de Mandalay du 28 mars 2025 (Mw 7,7) grâce à l’analyse d’images d’une seule caméra de vidéosurveillance. Ces résultats viennent de paraitre dans la revue Science le 30 octobre 2025.
Le 28 mars 2025, un séisme dévastateur d'une magnitude (Mw) de 7,7 a frappé le Myanmar le long de la faille de Sagaing près de Mandalay. Le séisme a causé des dégâts catastrophiques : plus de 5 400 morts, plus de 11 000 blessés et des milliers de disparus. Les infrastructures ont subi des pertes importantes : 120 000 maisons, 2 500 écoles, de nombreux temples et des réseaux de transport essentiels tels que des ponts et des aéroports ont été détruits. Plusieurs sites historiques, en particulier à Inwa, ont subi des dommages considérables.
Ce séisme a provoqué une rupture de plus de 450 km de la faille qui en est à l’origine. La rupture s’est propagée pendant environ 2 minutes en surface sur de longues sections horizontales, générant un glissement pouvant atteindre 6 m localement. Pour la première fois, le glissement cosismique a été filmé par une caméra de sécurité en circuit fermé (CCTV) située à seulement quelques mètres de la trace de la faille.
Quand une caméra de surveillance révèle la dynamique d’un séisme
En analysant les images ainsi obtenues, les chercheurs ont pu mesurer le glissement relatif à chaque intervalle de temps et déduire le taux de glissement. Les résultats montrent une durée de glissement local de 1,4 seconde et un glissement cumulé d'environ 3 mètres, pendant lequel la vitesse de glissement en surface a atteint un pic d'environ 3,5 mètres par seconde lors du passage du front de rupture. Ces résultats mettent en évidence que la rupture sismique à l'emplacement de l'enregistrement s’est produite de manière pulsatoire.
De plus, en utilisant ces données de glissement, les chercheurs ont pu calculer pour la première fois durant un vrai tremblement de terre naturel les propriétés dynamiques de la rupture sismique, tel que le changement de contrainte, l’énergie d’affaiblissement et le flux d’énergie. Ces valeurs, bien que locale, vont pouvoir servir de référence pour la modélisation de la rupture sismique.
Légende
Une caméra de surveillance installée à proximité immédiate de la faille de Sagaing, près de Mandalay (Myanmar), a enregistré le glissement du sol pendant le séisme du 28 mars 2025 (magnitude 7,7). L’image montre le moment du passage du front de rupture. Le graphique superposé indique la vitesse de glissement mesurée à partir des images : le sol s’est déplacé d’environ 3 mètres en 1,4 seconde, avec une vitesse maximale proche de 3,5 m/s. Ces données permettent pour la première fois de mesurer directement la dynamique d’un séisme naturel à partir d’une simple caméra CCTV. Pour visionner la propagation de la rupture sismique, voir la vidéo : Observation directe du glissement de faille – Mandalay 2025.
Les images de vidéosurveillance au service de la sismologie
L’étude met en évidence le potentiel d'une nouvelle approche observationnelle dans le domaine de la sismologie : le déploiement stratégique de caméras CCTV ou à haute fréquence d'images à proximité des zones de failles actives et peu profondes.
De telles installations pourraient non seulement capturer les glissements rapides et cosismiques des failles, comme démontré ici, mais aussi les déformations asismiques plus lentes ou les fluages post-sismiques.
Comparés aux instruments traditionnels tels que les stations sismologiques à large bande ou les réseaux GPS continus, les systèmes de surveillance vidéo sont relativement peu coûteux, largement disponibles et faciles à déployer, ce qui en fait un outil complémentaire attrayant pour étendre les capacités de surveillance des failles.
Avec un positionnement et un étalonnage approprié, ces instruments pourraient fournir des données directes et de haute résolution, exploitable pour l’analyse du comportement des failles dans tout le spectre des modes de glissement, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour l'étude de la physique des séismes.
Laboratoires CNRS impliqués
Institut de Recherche en Astrophysique et planétologie (IRAP - OMP)
Tutelles : CNRS / CNES / Univiversité de Toulouse
Laboratoire Géoazur (GEOAZUR - OCA)
Tutelles : CNRS / UniCA / IRD / OCAGEOAZUR
Laboratoire de géologie de l'Ecole Normale Supérieure (LGENS - ECCE TERRA)
Tutelles : CNRS / ENS - PSL
Laboratoire Navier
Tutelles : École des Ponts ParisTech (ENPC) / Institut Polytechnique de Paris / Université Gustave Eiffel / CNRS
Pour en savoir plus
Latour, S., Lebihain, M., Bhat, H. S., Twardzik, C., Bletery, Q., Hudnut, K. W., & Passelègue, F., Direct estimation of earthquake source properties from a single CCTV camera. (2025). Science, 30(10), eadg1234.