Améliorer nos connaissances de l’activité sismique de la zone de subduction des Petites Antilles
Depuis le 28 mai, et jusqu'au 5 juillet 2016,
L’arc des Petites Antilles est une zone de subduction le long de laquelle les plaques tectoniques Américaines et Caraïbe s’affrontent. L’objectif de la campagne est de mieux caractériser l’activité sismique de cette zone de subduction, qui est encore mal connue. En effet, aucun méga-séisme de subduction n’a eu lieu pendant la période instrumentale (1950-aujourd’hui), et la sismicité de l’interface enregistrée par les observatoires volcanologiques et sismologiques de l’Institut de physique du globe de Paris (Martinique et Guadeloupe, OVSM, OVSG) est relativement faible si on la compare à d’autres zones de subduction. Le catalogue historique est trop court pour nous permettre d’estimer le temps de récurrence des très grands séismes de subduction dans cette région. Seulement deux séismes ayant probablement rompu l’interface de subduction sont connus au XIXème siècle. Ils ont eu lieu au large de la Martinique en 1839 et au large de la Guadeloupe en 1843. Le séisme de 1843 est le plus important reporté dans l’arc des Petites Antilles. Ressenti avec une intensité maximum de IX à X, il a détruit la ville de Pointe-à-Pitre et tué plusieurs milliers de personnes. Ce séisme aurait atteint une magnitude supérieure à 8, voire 8.5.
Au cours des dernières années, les modèles géodésiques ne semblent pas indiquer de chargement intersismique au large de l’arc des petites Antilles. Néanmoins, les récentes études de paleo-géodésie menées au large de Sumatra et dans l’arc des Petites Antilles, sur la base de l’analyse des microatolls coralliens, montrent que l’accumulation des contraintes au cours du cycle sismique de l’interface de subduction est un phénomène transitoire, et qui varie sur des échelles de temps bien plus longues que nos observations géodésiques actuelles.
La taille et la fréquence des séismes restent donc à élucider le long de l’arc des Petites Antilles, ainsi qu’une potentielle segmentation de la zone de subduction par les rides océaniques de Barracuda, Tiburon, et Sainte Lucie.
Le projet CASEIS vise à documenter l’activité sismique du méga-chevauchement antillais au cours du Quaternaire Récent, à partir d’études de paléosismologie sous marine basées sur l’enregistrement sédimentaire des turbidites (approche développée et appliquée aux Cascades). Les très grands séismes de subduction, contrairement à d’autres phénomènes (éruptions, crues, séismes locaux, déstabilisation de flancs de volcans ou de plateformes récifales), provoquent des turbidites sur une zone au moins aussi large que la rupture sismique qui peut atteindre plusieurs centaines de kilomètres de long. On retrouve donc ces dépôts dans la plupart des bassins et systèmes de chenaux situés sur la plaque chevauchante, à l’aplomb de la zone de rupture.
Après 2 semaines de mer, 16 carottes ont été prélevées au large de la Guadeloupe et de l’île d’Antigua, soit environ 200 m d’enregistrement sédimentaire. La carotte la plus longue récoltée à ce jour mesure 26 m et devrait permettre de documenter l’activité sismique quaternaire de la région. Chaque carotte contient de nombreuses turbidites, et une turbidite-homogénite de 4 mètres a été prélevée au large de la Guadeloupe. En parallèle, les bassins sédimentaires échantillonnés ont été imagés par bathymétrie, sismique réflexion et Chirp-3.5 kHz afin de mener des études morpho-tectoniques dans la région. Depuis hier, 12 juin 2016, le N/O Pourquoi Pas ? fait route au sud, au large de la Martinique et de Sainte Lucie. Au second leg, le nord de l’arc sera également exploré.
La campagne CASEIS est l’occasion pour les 15 étudiants embarqués de la L3 à la thèse des différents instituts de prendre part à l’acquisition, au traitement et à l’analyse des données de sédimentologie et de géophysique.
Cette campagne est également associée à un projet pédagogique. Pour expliquer aux plus jeunes les enjeux d’une telle mission, un livret pédagogique a été rédigé, un blog est tenu à jour pendant toute la campagne, et les classes qui le souhaitent peuvent poser leurs questions aux scientifiques à bord
Retrouver l'actualité de la campagne sur le site : www.ipgp.fr/caseis
Le livret pédagogique est téléchargeable ici : http://www.ipgp.fr/livretcaseis
Pour contacter les scientifiques à bord : caseis@ipgp.fr
Une visite officielle du Pourquoi Pas ? avec présentation de la campagne sera organisée à Pointe-à-Pitre le lundi 20 juin à l'escale du N/O Pourquoi pas ?.
Contacts : feuillet@ipgp.fr
Notes
Chef de mission , Nathalie Feuillet Institut de physique du globe de Paris,
* Institutions : CNRS, Earth Observatory of Singapore de la Nanyang Technological University, Humboldt State University, Ifremer, Institut de Physique du Globe de Paris, LSCE-CEA, Muséum National d’Histoire Naturelle, Oregon State University, Université des Antilles, Université de Bordeaux, Université de Bretagne Occidentale, Université de Nice Sophia Antipolis, Université Paris-Sud, Université Pierre et Marie Curie, Université du Québec à Rimouski, Université Savoie-Mont Blanc.