Décès de Pierres Connes
Pierre Connes est décédé le vendredi 22 février 2019. Retour sur son parcours qui en a fait l’un des chercheurs de l’INSU de grande renommée internationale.

Pierre Connes a débuté sa carrière, avec son épouse Jeanine, au Laboratoire Aimé Cotton en 1954. Il développe deux inventions pour la spectroscopie de la structure des atomes de terre rares, l’étalon Fabry-Pérot sphérique (aujourd’hui un élément des lasers) et le Spectromètre Interférentiel à Sélection par l’Amplitude de Modulation ou SISAM. Le SISAM sera adapté ultérieurement aux Etats-Unis pour des applications en physique de l’atmosphère sous le nom de Spectromètre Hétérodyne Spatial (SHS).
Pierre et Jeanine Connes partent en 1964 pour une année au Jet Propulsion Laboratory où ils construisent un interféromètre de Michelson pour la spectroscopie par transformée de Fourier, ou FTS, qu’ils testent sur la planète Vénus dans l’infrarouge proche. Le FTS révolutionne la spectroscopie infrarouge puisqu’il permet avec un seul pixel de couvrir l’infrarouge de 1 à 2,5 microns à haute résolution spectrale. Pierre Connes a mis au point la technique de balayage pas-à-pas qui minimisait la quantité de données à acquérir alors que la puissance de calcul était limitée. Il obtient ainsi dès 1967 avec des spectres de Vénus et Mars à l’OHP à une résolution de 105, supérieure à celle des meilleurs spectres solaires. Il mettra ainsi plus tard en évidence l’émission à 1,27 micron de O2 dans la haute atmosphère des deux planètes avec un FTS qu’il construira pour le télescope de 5 m du Mont Palomar. Les FTS réalisés avec ses étudiants permettent d’obtenir en parallèle des spectres en laboratoire de sources atomiques et de molécules, ouvrant ainsi les principaux domaines d’application de l’instrument. Cette méthode de spectroscopie va progressivement trouver des applications dans divers champs scientifiques : en physique de laboratoire, en physique de l’atmosphère et en astronomie, progressivement dans tous les domaines spectraux. Des FTS entrent dans l’instrumentation des grands télescopes comme le télescope Mayall de 4 m au Kitt Peak National Observatory et au télescope de 3,6 m Canada-France-Hawaï. Ce dernier est l’héritier direct des instruments développés au Laboratoire Aimé Cotton par Pierre Connes. D’autres seront installés sur le Kuiper Airborne Observatory, accrochés à un ballon, mis dans l’espace sur les deux sondes Voyager, à bord de la navette spatiale en 1992 ou sur d’autres missions encore.
Pierre Connes entreprend à partir de 1968, sur le site de Meudon de l’Observatoire de Paris, la construction d’un télescope de 4 m de diamètre dont le miroir est composé de 36 segments asservis dans le but d’alimenter un FTS pour la spectroscopie planétaire et stellaire dans l’infrarouge proche. Ce télescope au concept totalement novateur est en fait le précurseur des futurs télescopes Keck, Grantecan et des Extremely Large Telescopes qui sont ou seront les plus grands télescopes jamais construits.
Il intègre le Service d’Aéronomie, ancêtre du LATMOS, après son retour fin 1976 d’un séjour au JILA à Boulder. Ses liens avec le Service d’Aéronomie étaient plus anciens, il avait conseillé l’unité dès le milieu des années 60 sur des dispositifs optiques originaux embarquables : le Fabry-Pérot sphérique sur le satellite OGO-6 en 1969, permettant de mesurer la largeur de la raie aéronomique de l’oxygène à 630 nm, donc la température, et le Michelson à champ compensé pour la mesure des vents. L’instrument IASI développé par le CNES pour les plateformes Metop est aussi directement inspiré de ses idées. Il contribue à plusieurs champs instrumentaux. Il lance par deux articles, en 1984 et 1985 le concept de l’AAA (Absolute Astronomical Accelerometry) basé sur deux boucles d’asservissement, comme moyen sensible de détection de planètes extrasolaires par la mesure de petites variations de vitesses radiales pour l’astérosismologie. Il installe en 1999 au télescope de 1m52 de l’Observatoire de Haute Provence le spectromètre Émilie doté d’un système de calibration AAA. Ce sujet de recherche entre en résonance avec un questionnement personnel sur la vie dans l’Univers auquel il consacrera l’ouvrage « The history of plurality » dans lequel il passe en revue les idées de grands penseurs de l’antiquité jusqu’à Christian Huygens. Il participe également à partir de la fin des années 1980 aux débuts de l’interférométrie par fibre et travaille à des prototypes d’interféromètres fibrés asservis à Nançay, à la tour Hertzienne de Meudon et à Limoges
Ces travaux sont à l’image de sa carrière : tourné vers des problèmes particulièrement difficiles qu’il a souvent abordés en pionnier, Pierre Connes a été un acteur de premier plan de plusieurs champs de recherche très dynamiques et a contribué au foisonnement d’idées qui ont conduit à des avancées majeures en astronomie. Il a transmis et communiqué la passion pour la recherche qui l’animait à ses élèves et collaborateurs qu’il a su faire rêver.
Texte écrit à partir de contributions de Jean-Pierre Maillard, Jean-Loup Berteaux.