Emission du carbone ionisé (CII) dans 3 domaines de vitesse, superposée à une image Spitzer IEAC à 8, 4,5 et 3,6 microns. Le CII trace l’interaction entre les enveloppes atomiques des nuages interstellaires.

Découverte d’un pont de gaz entre les nuages interstellaires de Cygnus X

Résultat scientifique Univers

Une équipe internationale1  dont un laboratoire CNRS-INSU est impliqué (voir encadré) a découvert un pont de gaz entre les nuages de Cygnus X grâce à l’avion-observatoire SOFIA. Ce résultat présage un scénario dynamique de formation des étoiles lors du croisement de nuages interstellaires.

La région Cygnus X est le complexe de nuages interstellaires le plus proche du Soleil qui forment plusieurs milliers d’étoiles de toutes masses, dont des massives, i.e. de plus de huit fois la masse du Soleil. Cette nurserie stellaire est probablement représentative de l’ensemble de celles qui peuplent le disque de notre galaxie. Alors que pour former une étoile il faut permettre à la matière interstellaire de s’accumuler, se concentrer en réduisant ses écarts internes de vitesse, il était jusqu'à présent surprenant que Cygnus X soit en fait constitué de deux nuages avec une grande vitesse relative, de presque 20 km/s2 .

Une étape importante pour résoudre cette contradiction vient d’être franchie par l’équipe de recherche en découvrant un pont de matière interstellaire entre les deux nuages de vitesses si différentes. Cette découverte a pu être obtenue grâce à la détection d’un très bas niveau d’émission du carbone ionisé (raie d’émission CII à 158 microns de longueur d’onde) entre les nuages à l’aide du télescope de l’avion-observatoire SOFIA3  de la NASA et de la DLR avec le programme d’observation FEEDBACK.

Ce pont de matière démontre l’existence d’un échange de matière et donc de quantité de mouvement entre les deux nuages sans pour autant que les parties denses des nuages ne soient en collision frontale. Les parties denses des nuages seraient plutôt en train de se croiser à grande vitesse mais en échangeant de la quantité de mouvement par l’intermédiaire du champ magnétique ancré dans ces parties denses. Cet échange induit un freinage (relatif) de grandes parties des nuages permettant une concentration rapide de ceux-ci et soutenant un scénario de formation des étoiles basé sur des processus dynamiques et rapides. Cette façon de formation dynamique d'étoiles expliquerait également la formation d'étoiles particulièrement massives.

  • 1Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (LAB et Université de Bordeaux), de l'Université de Cologne (Allemagne) et de l'Université du Maryland (États-Unis)
  • 2La différence de vitesse requise pour la formation d’étoiles n’est en effet théoriquement que de 0,2 km/s (vitesse du son du gaz moléculaire froid), c’est à dire 200 fois moins que l’écart observé entre les nuages de Cygnus X.
  • 3SOFIA (Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy) est un avion Boeing 747 reconditionné de la NASA. Il embarque un télescope de 2,5 m pour des vols à hautes altitudes (stratosphériques vers 15 km) pour s’affranchir de l’atmosphère et observer dans l’infrarouge lointain (158 micron de longueur d’onde) totalement inaccessible depuis le sol (le ciel y est trop brillant et totalement opaque à ces longueurs d’onde).

Laboratoire CNRS impliqué

Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (LAB - OASU)

Tutelles : CNRS / Université de Bordeaux

Emission du carbone ionisé (CII) dans 3 domaines de vitesse, superposée à une image Spitzer IEAC à 8, 4,5 et 3,6 microns. Le CII trace l’interaction entre les enveloppes atomiques des nuages interstellaires.cf. référence article Schneider & al.

Pour en savoir plus

Schneider, N., Bonne, L., Bontemps, S. et al. Ionized carbon as a tracer of the assembly of interstellar cloudsNat Astron 7, 546–556 (2023).

Les résultats de cette étude basent aussi sur les résultats de la thèse de Lars Bonne en 2020 (Bonne et al. 2020 dans Astronomy & Astrophysics).

Contact

Sylvain Bontemps
Chercheur CNRS au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (LAB)
Timea Csengeri
Chercheure CNRS au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (LAB)