Des cycles climatiques Dansgaard–Oeschger il y a 155 millions d’années

Résultat scientifique Terre Solide

L'une des principales caractéristiques des variations climatiques de la dernière période glaciaire (de -115 000 à -11 700 ans) sont les "événements" dits de Dansgaard-Oeschger (DO). Ces "événements" climatiques sont de brefs réchauffements abrupts, d'une quasi-périodicité de 1 500 ans. Le mécanisme à l'origine de ces cycles laissait les paléoclimatologues perplexes depuis des décennies. Dans un premier temps, ces scientifiques expliquaient ces cycles climatiques par l'interaction entre la dynamique des calottes glaciaires et la circulation océanique aux hautes latitudes septentrionales. Puis l'enregistrement global de ces cycles DO dans les archives sédimentaires continentales et marines du Quaternaire (de - 2,58 millions d’années à aujourd’hui) a conduit à l'hypothèse que ces cycles prenaient naissance aux hautes latitudes et se propageaient via les circulations atmosphériques et océaniques, induisant ainsi ces changements climatiques sur l’ensemble du globe. Alors qu’elle pourrait fournir de fortes contraintes sur l’origine des événements DO et leur éventuelle indépendance face à la dynamique glaciaire, la présence d’une variabilité climatique d’environ 1 500 ans dans des époques géologiques sans calotte glaciaire n’avait encore jamais été établie. 

Suite à un enregistrement sédimentaire à très haute résolution du Jurassique supérieur (155 millions d’années) dans le Sud-Est de la France, l’étude a démontré la présence d’une variabilité climatique périodique d’environ 1 500 ans modulée par la précession et ses harmoniques. L’enregistrement obtenu est tout à fait similaire aux cycles de type DO du Quaternaire dans les archives climatiques des basses latitudes, en particulier ceux dans les archives de la mousson asiatique.

Ces cycles climatiques, analogues aux cycles DO, sont attribués à un système de type paléo-mousson à travers l'océan Téthys au Jurassique supérieur. Un modèle d’enregistrement de ces cycles est proposé sur la base d'une étude multi-proxy (lithologie, nannofossiles calcaires, minéralogie des argiles) pour relier ces variabilités climatiques de très haute fréquence à des changements dans les circulations atmosphériques et océaniques, dans un contexte paléogéographique favorable à la mise en place du processus de paléo-mousson.

Le Kimméridgien (Jurassique supérieur) du site de La Cluse (Hautes-Alpes) : chaque couplet banc calcaire-interbanc marneux représente un cycle de 1 500 ans. En haut : la croix rouge marque la limite d’un cycle de précession (20 800 ans). En bas : la lettre P marque la limite de cycle de précession et la lettre H la limite de cycle de demi-précession. Photo du haut : © Bruno GALBRUN / Photo du bas : © Slah BOULILA
Figure : Enregistrement de cycles climatiques de période 1 500 ans dans des sédiments du Jurassique supérieur (155 millions d’années) de La Cluse (Dévoluy, Hautes-Alpes), analogues aux cycles glaciaires Dansgaard-Oeschger (DO) du Quaternaire.

Pour en savoir plus

S. Boulila, B. Galbrun, S. Gardin et P. Pellenard A Jurassic record encodes an analogous Dansgaard–Oeschger climate periodicityScientific Reports 12, 1968 (2022).

Contact

Slah Boulila
Enseignant chercheur à Sorbonne Université à l'Institut des sciences de la Terre de Paris (ISTeP - ECCETERRA)