François-Xavier Désert reçoit la médaille d'argent 2008 du CNRS

Prix et distinction

Une « force tranquille ». Voilà ce qui caractérise d’emblée François-Xavier Désert, astronome de haut vol

basé au Laboratoire d’astrophysique de Grenoble1. Et notre lauréat du jour, 47 ans, d’évoquer aussitôt « sa chance d’avoir bénéficié de la confrontation entre des scientifiques et des ingénieurs exceptionnels ». Lui-même a « fait » Polytechnique avant de bifurquer vers la recherche. Direction physique théorique, un choix de raison plus que de passion. « Je voulais acquérir un solide bagage théorique avant d’aborder ce qui m’a toujours fasciné, l’interface entre les idées et l’expérience. » L’influence d’Hubert Reeves et de l’astrophysicien français Philippe Tourrenc passant par là, le jeune homme s’éprend de relativité générale.

Mais sa thèse le propulse sur un terrain plus concret, celui des poussières interstellaires. En 1986, il part les traquer outre-Atlantique, le temps d’un post-doc dédié aux données du satellite infra-rouge IRAS. Une époque pionnière autant que fructueuse. Avec d’autres chercheurs, Francois-Xavier identifie des particules très fines qui émettent dans l’infra-rouge proche. Mieux encore : omniprésentes dans l’univers, elles révèlent l’existence de nouvelles galaxies. « Ces poussières sont des composantes importantes de l’espace car elles transforment la lumière des étoiles dans l’infra-rouge et ont ainsi un rôle de redistribution de l’énergie des galaxies. »

Son cheval de bataille ? Le projet européen ISO, un télescope spatial grâce auquel on va mesurer la luminosité totale des galaxies.

Sur sa lancée, notre chercheur établit un modèle de poussières interstellaires qui, publié en 1990, fait toujours référence. Cette même année marque son entrée dans le Corps des astronomes et physiciens, à l’Observatoire de Meudon puis à l’Institut d’astrophysique spatiale (IAS) installé à Orsay. Son cheval de bataille ? Le projet européen ISO (Infrared Space Observatory), un télescope spatial grâce auquel on va mesurer la luminosité totale des galaxies. Occupé à étalonner la caméra, il commence également à « décortiquer » les données du satellite COBE. « Car elles ne tombent pas toutes cuites ! Il y a d’abord une phase un peu fastidieuse consistant à nettoyer les données de tous les effets systématiques et cela, sans garantie de résultats. » Il n’empêche. En quelques années, il tient de quoi élaborer des modèles « plutôt empiriques » de galaxies inaccessibles aux appareils, pour lesquelles on dispose seulement de « petits points ».

Son sens aigu de l’organisation le pousse vers la gestion scientifique de projets d’envergure. Ce sera d’abord Diabolo, dont la spécificité est d’utiliser des détecteurs refroidis à 100 mK2 pour leur conférer une sensibilité suffisante. Puis surtout le ballon stratosphérique Archeops, fort de 25 détecteurs. Son objectif (atteint) : cartographier le rayonnement cosmologique fossile.

Une magnifique récompense : la première détection des objets avec un appareil nouveau...

Pour être au plus près de ses expériences, l’astronome part s’installer en 1997 à Grenoble. Commence une belle collaboration avec Alain Benoît, directeur du Centre de recherches sur les très basses températures (CRTBT), « La Mecque de la cryogénie ». Via des refroidisseurs complexes fixés sur le satellite, cette discipline permet de maintenir à très basse température des instruments entiers. L’enjeu est d’augmenter le rapport signal/bruit, la baisse de la température allant de pair avec celle du bruit du détecteur. « Dans tous ces projets, il faut en amont concevoir le design de l’instrument le plus compétitif possible et, en aval, traiter des données de l‘instrument. Imaginez le travail de compréhension que doivent mener des équipes très différentes... » À savoir une centaine de chercheurs français, européens et américains. Lancé à plusieurs reprises entre 1999 et 2002, Archeops est une réussite : on lui doit l’une des premières photos du bébé univers, âgé de 380 000 ans après le Big Bang. La suite ? Mieux comprendre le système de refroidissement de l’instrument HFI (High frequency Instrument), destiné à équiper le satellite Planck – la toute prochaine mission cosmologique de l’Agence spatiale européenne (ESA).

Mais participer à un tel consortium international « n’est pas simple ! ». C’est veiller à ce que tous les assemblages aient les performances attendues. C’est aussi batailler ferme pour mener au mieux tous les tests au sol avant le lancement. C’est encore gérer des scientifiques « humains avant tout ». Au bout l’attend une magnifique récompense, « la première détection des objets avec un appareil nouveau, même s’ils sont connus auparavant ». C’est dire s’il guette avec impatience la moisson de Planck, théoriquement lancé en février 2009... pour s’installer à 1,5 million de kilomètres de notre globe. Et quand il n’a pas la tête dans les étoiles ? Son quatuor à cordes et sa famille lui remettent en douceur les pieds sur terre.

Notes

 

  1. Laboratoire d'astrophysique de Grenoble (LAOG) : CNRS / Université Joseph Fourier Grenoble 1
  2. 100 mK, soit -273,05 °C (0 K ou zéro absolu = -273,15 °C).