Grands séismes : première modélisation 3D de la zone de subduction des Petites Antilles
Des chercheurs du laboratoire Géoazur (CNRS/ Université Nice Sophia Antipolis1/Observatoire de la Côte d’Azur/IRD) et de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP de Paris/ CNRS/ Université Paris Diderot) viennent d’obtenir pour la première fois une image tridimensionnelle de la faille de subduction des Petites Antilles2, où la plaque de l’océan Atlantique plonge sous la plaque Caraïbe sur les 150 premiers kilomètres de profondeur. Cette rencontre ne se fait pas sans friction : elle peut générer de grands séismes comme ceux de 1839 et 1843, d’une magnitude estimée entre 7.5 et 8.5 et qui ont dévastés les villes de Fort de France en Martinique et de Pointe à Pitre en Guadeloupe, ayant entrainé la mort de milliers de personnes. Depuis les années 2000, les chercheurs ont acquis sur la zone de subduction des Petites Antilles une très grande quantité de données sismologiques3, enregistrée par des centaines de sismomètres en mer et à terre et deux autres techniques d’imagerie (sismique multitrace4et de sismique réfraction5), dans une zone allant d’Antigua au nord, jusqu’à la Martinique au sud. Résultat majeur de ces travaux, l’extension de la zone cassante de la faille jusqu’à de plus grandes profondeurs qu’initialement considérées, augmente la magnitude maximale des séismes possibles mais rapprochent aussi cette zone de rupture des côtes insulaires. Ces travaux sont particulièrement importants pour comprendre le comportement de la zone de faille. De futures modélisations pourront être entreprises avec une géométrie en 3D plus réaliste et ainsi contribuer à anticiper la magnitude des grands séismes susceptibles d’affecter cette zone. Ce modèle, qui sera mis à la disposition de la communauté scientifique afin d’étudier la sismicité courante de la région, est publié dans Nature Communications le 10 juillet 2017.
Les études menées en mer ont été réalisées à bord de navires de recherche de l’IFREMER (N/O Atalante), de l’IRD (N/O Antéa) et allemand (R/V Maria S. Merian).
Sources
Dehydration of subducting slow-spread oceanic lithosphere in the Lesser Antilles, M. Paulatto, M. Laigle, A. Galve, P. Charvis, M. Sapin, G. Bayrakci, M. Evain, H. Kopp, Nature Communication, 10 juillet 2017
Notes
1-Membre de l’Université Côte d’Azur
2-Cette étude a pu être possible grâce au financement du salaire post-doctoral de 2 ans par Axa Research Fund (2014-2015) et de 1 an par l'Institut de France (2016) pour Michele Paulatto.
3-Ce grand programme d’acquisition de données sismiques et sismologiques de cette moitié nord de l’Arc des Petites Antilles a bénéficié du soutien de l’ANR, de l’Europe et a obtenu le Prix de la subvention scientifique de la Fondation Simone et Cino del Duca de l’Académie des Sciences en 2015 (P.I. M. Laigle).
4-Technique qui consiste à envoyer des ondes dans le sous-sol grâce à une puissante source pneumatique embarquée à bord d'un navire de recherche océanographique et à les enregistrer par une flûte de capteurs longue de plusieurs kilomètres. Elle permet d’imager les interfaces et les discontinuités majeures du sous-sol sur les 15 premiers kilomètres et donne des informations sur la structure du milieu et la géométrie des failles.
5-Technique qui consiste à enregistrer les mêmes ondes émises, mais à distances beaucoup plus grandes sur des stations fixes et en trois dimensions. Ceci permet de sonder les structures à plus grande profondeur, jusqu'à 30-40 km, en mesurant les vitesses de propagation de ces ondes qui renseignent alors sur les propriétés physiques du milieu. Celles-ci dépendent de nombreux facteurs, comme la composition, la température, le degré de fracturation, le contenu en fluides, etc, mais les grands sauts de vitesse en profondeur témoignent des interfaces majeures, telle la base de la croûte.