Histoire de sables, de poussières et de vent sur Mars

Résultat scientifique Univers

L’été approche, et bientôt sera le temps des jeux de sable…C’est un peu ce qu’a fait sur Mars une équipe internationale coordonnée par des chercheurs du CNES, du CNRS et du JPL (NASA) avec une pelle, du sable martien et un peu de vent. Leurs résultats viennent tout juste d’être publiés dans Journal of Geophysical Research (planets), et mis en avant par l’éditeur de ce journal, ce qui n’arrive qu’à 2% des articles !

Imaginez que vous laissiez couler une poignée de sable entre vos doigts un jour de grand vent. Les plus gros grains tombent directement sur le sol, mais les plus petits sont emportés. En simulant comment le vent entraîne et trie les grains, vous pourriez déduire la distribution des tailles de grains dans votre poignée de sable1 .

C’est cette expérience que Nicolas Verdier2 , Véronique Ansan3 , Pierre Delage4 , Khaled Ali5  et leurs collaborateurs ont réalisé sur Mars ! Car même sur Mars, les robots ont parfois des pelles, comme celle du bras robotique de la mission InSight de la NASA. Ils ont profité d'une observation opportuniste faite lorsque la pelle a ramassé du régolithe (sol) martien et l'a déversé sur le câble reliant l'atterrisseur au sismomètre SEIS de la mission (Figure 1). Cette manœuvre avait pour but d'enterrer le câble et d'améliorer la qualité des signaux sismiques.

La méthode utilisée repose sur un modèle mathématique permettant d’estimer le déport des grains soumis aux effets combinés du vent et de la gravité martienne. La courbe obtenue par ce modèle (Figure 2) relie la distance de dépôt du grain déporté par le vent en fonction de sa taille. Par soustraction d’images (Figure 1c), la répartition du dépôt des grains déversés et déportés par le vent est mise en évidence. En combinant ces deux informations, on peut estimer la taille de grains dans le régolithe martien, qu’une caméra ne pourrait identifier de par sa trop faible résolution.

L'équipe a observé que les grains de 120 microns de diamètre déversés à 50 centimètres au-dessus du sol étaient dispersés sur le sol martien jusqu'à 3 mètres sous le vent, alors que les grains de plus de 500 microns tombaient à l’aplomb de la pelle, formant un petit tas de sable. Les particules de poussière encore plus petites ont simplement été emportées par le vent.

Cette expérience originale et innovante pour la détermination de la distribution de la taille des grains dans le sol martien étaye l'hypothèse faite grâce à des données acquises par de précédents rovers, selon laquelle le sable fin serait mobilisé par les vents à faible vitesse sur Mars et participerait à la formation des dunes actives.

  • 1Propos traduits d’après le texte de Laurent G. J. Montesi, Editor in Chief, Journal of Geophysical Research (JGR): Planets; and Germán Martínez, Associate Editor, JGR: Planets
  • 2Centre National d'Etudes Spatiales, Toulouse, France
  • 3Laboratoire Planétologie et Géosciences (LPG), CNRS, Nantes Université, Nantes, France
  • 4Ecole des Ponts ParisTech, Laboratoire Navier (CERMES), CNRS, UGE, Paris, France
  • 5Jet Propulsion Laboratory, NASA-California Institute of Technology, Pasadena, CA, USA

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire Planétologie et Géosciences (LPG / Observatoire des sciences de l'univers Nantes Atlantique)

Tutelles : CNRS / Nantes Université / Université d’Angers

  • Laboratoire Navier  

Tutelles : CNRS / Ecole Nationale des Ponts et Chaussées / Université Gustave Eiffel 

  • Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD / Ecce Terra)

Tutelles : CNRS / ENS - PSL / Ecole Polytechnique / Sorbonne Université

Figure 1 Crédit : Verdier et al. (2023) & JPL-NASA.
Figure 2 Crédit : Verdier et al. (2023)
Figure 3 Crédit : Verdier et al. (2023)

Légendes

Figure 1. a) Image des instruments de la mission InSight posés sur la plaine martienne d’Elysium prise par la caméra contexte le 877ème jour de la mission à 11h22 : à gauche, la sonde thermique HP3 ; au centre, le bras robotisé muni d’une petite pelle ramassant le sol martien ; et à droite le dôme bouclier protégeant le sismomètre SEIS relié à l’atterrisseur InSight par un câble. b) Image acquise à 11h33, après déversement du sol martien. c) Différence des deux images montrant le dépôt éolien (panache sombre) composé des particules dispersées et transportées par le vent. Le panache s'étend sur plus de 2m vers la droite à partir du sismomètre. 

Figure 2. Résultat de la modélisation déterminant la distance des grains à la pelle en fonction de leur taille pour un vent de 5,3 m.s-1.

Figure 3. a) Zoom du dépôt éolien permettant d’estimer la distribution spatiale de la taille des grains le long de la direction du panache, vu du dessus. La largeur de l'image est de 2,9 m et la vitesse du vent est de 5,3 m.s-1. La couleur des boîtes est directement liée à la taille des grains observés. b) Quantité de grains en volume (%) en fonction de leur taille. Plus on s’éloigne du point de versement du régolithe (à gauche de l’image vue en a), plus la taille des grains transportés par le vent est fine (~120 microns). 

 

À propos d’InSight et de SEIS

Le JPL gère la mission InSight pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA. InSight fait partie du programme Discovery de la NASA, géré par le Marshall Space Flight Center (MSFC), établissement de la NASA à Huntsville, Alabama. Lockheed Martin Space à Denver a construit la sonde InSight, y compris son étage de croisière et son atterrisseur, et soutient l'exploitation de l'engin spatial pour la mission. Le CNES est le maître d’oeuvre de SEIS et l’Institut de Physique du Globe de Paris (Université Paris Cité /IPGP/CNRS) en assure la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante), les a testés avant leur livraison au CNES et, dans le cadre du Service National d’Observation InSight, contribue à leur opération et distribue les données à la communauté scientifique. Le CNES a développé et opère le FOCSE-SISMOC, centre de mission des instruments SEIS et APSS. Plusieurs laboratoires du CNRS dont le LMD (CNRS/ENS Paris/Ecole Polytechnique/Sorbonne Université), le LPG (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers), l’IRAP (CNRS/Université de Toulouse/CNES), le LGL-TPE (CNRS/Ecole Normale Supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’IMPMC (Sorbonne Université/Museum National d’Histoire Naturelle/CNRS) et LAGRANGE (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur) participent avec l’IPGP et l’ISAE-SUPAERO aux analyses des données de la mission InSight. Ces analyses sont soutenues par le CNES et l’ANR.

(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ,Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’Université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.

Contact

Véronique Ansan
Laboratoire de Planétologie et Géodynamique CNRS, Université de Nantes
Pierre Delage
Chercheur au Laboratoire Navier
Nicolas Verdier
CNES