La formation des atmosphères planétaires serait moins efficace qu’anticipée

Résultat scientifique Terre Solide

L’évolution précoce des planètes telluriques est marquée par la présence d’océans magmatiques. Il est communément admis qu’à cette occasion, les éléments volatils dissous dans l’océan de magma sont instantanément dégazés, contribuant ainsi à la genèse des atmosphères planétaires. Cependant, cette supposition repose sur une hypothèse a priori robuste qui n’avait jamais été testée. En effet, la faible viscosité du magma engendre des mouvements convectifs très rapides,  impliquant que l’essentiel de l'océan de magma atteigne quasi-instantanément les faibles pressions proches de la surface où le dégazage se produit et perde ainsi ses volatils.

 Pour la première fois, une équipe dont des scientifiques du CNRS a testé la validité de cette hypothèse en effectuant des simulations numériques à haute résolution d’un fluide en convection vigoureuse (Fig. gauche). Celles-ci montrent qu’au contraire le dégazage est loin d’être instantané : malgré des vitesses convectives élevées, les espèces volatiles dissoutes dans l’océan de magma se rapprochent de la surface sans nécessairement atteindre les profondeurs auxquelles le dégazage a lieu. Une fraction considérable de volatils peut ainsi rester dissoute dans l’océan de magma (Fig.droite) et se retrouver piégée dans les intérieurs planétaires à l’issue du stade d’océan magmatique.

 Ces résultats suggèrent que la formation des atmosphères planétaires serait bien moins efficace qu’anticipée, modifiant ainsi la répartition de l’eau entre les différents réservoirs planétaires, et affectant de ce fait l’apparition des premiers océans d’eau où la vie peut se développer ainsi que toute l’évolution des planètes rocheuses. Dans certains cas, la dynamique convective de l’océan de magma restreint le dégazage de l’eau aux zones les plus superficielles uniquement, conduisant au refroidissement rapide d’un manteau riche en eau bordé d’une atmosphère sèche où la formation d’un océan d’eau est compromise. Les nouveaux scénarios envisagés bouleversent notre compréhension de la mise en place des conditions nécessaires à l’émergence de la vie à la surface des planètes rocheuses et impactent la recherche et la caractérisation des environnements favorables à son développement dans les systèmes extra-solaires.

Laboratoire CNRS impliqués

Institut de physique du globe de Paris (IPGP)

Tutelles : CNRS / IPG

cf encadré. Extrait de Salvador & Samuel (2022).

Légende

A gauche : résultat de simulations numériques à haute résolution d’un fluide en convection vigoureuse, analogue à un océan magmatique silicaté. Les panaches thermiques chauds ascendants (rouges/jaunes) et froids descendants (bleus) transportent respectivement le fluide vers la surface et vers la base de l’océan magmatique.

A droite : vue en coupe d’un système convectif analogue à un océan magmatique après 15 transits convectifs. Même après plusieurs dizaines de cycles convectifs, une importante fraction de l’océan de magma a conservé ses volatils dissous (bleu), le reste a atteint la profondeur d’exsolution, dc, et a dégazé ses volatils (jaune). Contrairement à ce qui était jusqu’alors communément admis, le dégazage de l’océan magmatique peut être beaucoup plus lent et même limité aux faibles profondeurs comprises entre la surface et dc.

Contact

Henri Samuel
Chercheur CNRS à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP)