La matière organique enregistre la déformation au cœur des failles

Résultat scientifique Terre Solide

La matière carbonée est un marqueur précieux pour reconstituer l’histoire passée des roches, en particulier leur enfouissement à grande profondeur dans les zones de subduction. C’est ainsi que l’observation de diamants a permis de déterminer que des roches initialement proches de la surface avaient atteint des profondeurs de l’ordre de 100km avant de remonter vers la surface. La matière carbonée issue de la décomposition d’organismes vivants, présente en faible quantité dans les roches sédimentaires subit, elle aussi, au fur et à mesure de l’enfouissement de ces roches, une réorganisation irréversible de sa structure cristallographique, contrôlée principalement par l’augmentation de température. En retour, l’analyse du degré d’organisation de la matière carbonée à l’aide de la spectroscopie Raman1 permet de renseigner sur l’histoire thermique des roches sédimentaires revenues à la surface.

Ce géothermomètre repose sur l’hypothèse centrale que seule la température contrôle la réorganisation cristallographique de la matière carbonée. Cette hypothèse est remise en question dans l’étude suivante qui utilise la spectroscopie Raman pour analyser la matière carbonée contenue dans des roches déformées et non déformées. Le spectre Raman de la matière carbonée présente deux pics caractéristiques, dont le rapport des amplitudes témoigne du degré d’organisation cristallographique. Dans des gouges de failles, qui sont des zones d’intense déformation, les spectres Raman sont significativement différents de la roche hôte non déformée et reflètent une meilleure organisation cristallographique. En parallèle, une calibration cinétique expérimentale de l’effet de la température seule sur les spectres Raman a été réalisée, permettant de modéliser l’effet d’un échauffement frictionnel intense et localisé dans la zone de faille, comme par exemple lors d’un séisme. Cette modélisation aboutit à une distribution dans l’espace des spectres Raman, entre la zone de faille et la roche hôte, en désaccord avec les observations faites sur les roches naturelles.

La conclusion tirée par cette étude est que seule la déformation est responsable de la réorganisation cristallographique de la matière carbonée dans les zones de faille considérées. Ce travail ouvre de larges perspectives pour étudier les processus en jeu au cœur des failles pendant les séismes.

  • 1À la fois facile d’utilisation et applicable dans la plupart des chaînes de montagne, le géothermomètre Raman de la matière carbonée, a connu ainsi depuis une vingtaine d’années un essor rapide comme outil d’étude du métamorphisme, notamment de bas grade.
Zone macroscopique de faille, d’épaisseur ~1m, constituant la limite entre deux unités tectoniques, Mugi, Japon (gauche). La zone de faille est composée d’un réseau de zones d’épaisseur ~1cm, concentrant la déformation (« fault core » à droite).@ H. Raimbourg / ISTO

Pour en savoir plus

Cette étude de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans, a été réalisée par Benjamin Moris-Muttoni pendant sa thèse.

Moris-Muttoni, B., Raimbourg, H., Augier, R. et al. The impact of melt versus mechanical wear on the formation of pseudotachylyte veins in accretionary complexesSci Rep 12, 1529 (2022).

Contact

Hugues Raimbourg
Institut des Sciences de la Terre d'Orleans (ISTO / CNRS / Univ. Orléans)
Romain Augier
Institut des Sciences de la Terre d'Orleans (ISTO / CNRS / Univ. Orléans)