Le champ magnétique de Mars

Explorations

En 1997, les toutes premières mesures orbitales du satellite MGS (Mars Global Surveyor) nous ont fait comprendre que si Mars ne possède plus de champ magnétique global et dynamique (comme la Terre), les roches de sa surface ont enregistré des traces de l’existence passée d’une dynamo martienne. S’il est difficile de savoir quand elle a cessé de fonctionner, des indices laissaient penser que la dynamo était déjà arrêtée à la mise en place des cratères gigantesques, c’est-à-dire il y a environ 4,1 milliards d’années. Un scénario qui ne permettait pas d’expliquer d’autres observations comme le maintien d’une activité volcanique à la surface, qui a perduré pendant bien plus longtemps que cette durée supposée de l’activité interne.

Le champ magnétique d’une planète est dû à des mouvements de convection, à très grande échelle, et très profondément, produisant un courant électrique, qui crée lui-même un champ magnétique. C’est l’effet dynamo. Si une planète dispose d’un champ magnétique global, cela veut dire qu’à l’intérieur, il y a une couche fluide, conductrice, et en mouvement. Dans le cas des planètes telluriques, ces mouvements ont lieu dans le noyau liquide. Ils contribuent à refroidir le noyau, et donc à réchauffer le manteau. A la surface de la planète, cela se traduit notamment par du volcanisme.

Le satellite MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN), lancé en 2013, a mesuré le champ magnétique à une altitude plus basse que MGS. Nous avons analysé les mesures magnétiques au-dessus d’une structure volcanique proche de l’équateur. Cette structure, nommée « Lucus Planum », s’est mise en place il y a environ 3,7 milliards d’années. Nous avons montré non seulement que la dynamo était toujours active à cette période mais que son intensité était aussi très forte. Sachant que l’aimantation est proportionnelle au champ magnétique ancien, cela nous encourage à mener des études sur l’intensité du champ magnétique passé, qui aurait pu être 10 ou 100 fois plus intense que le champ terrestre actuel.

Mars est âgé d’environ 4,5 milliards d’années. Si la dynamo a fonctionné jusqu’à 3,7 plutôt que 4,1 milliards d’années, cela signifie que sa durée a été le double de ce qu’on estimait ! Cela apporte des débuts de réponse à des choses qu’on ne comprenait pas. La question du champ magnétique n’est pas anodine car elle recoupe d’autres mystères martiens tels la disparition de son eau et de son atmosphère. En effet, non seulement, la construction d’une atmosphère se fait principalement avec du volcanisme, mais on pense que le champ magnétique global empêche aussi l’atmosphère de s’échapper. Enfin une quantité importante d’eau liquide (qui a existé sur Mars dans le passé) implique une atmosphère relativement épaisse. Il y a donc des liens importants entre champ magnétique, volcanisme, atmosphère et eau liquide à la surface. Si MAVEN doit estimer la quantité d’eau qui a pu s’échapper de l’atmosphère martienne, depuis l’arrêt de la dynamo jusqu’à aujourd’hui, on comprend qu’il est nécessaire de tenir compte de la date d’arrêt de la dynamo.

A ce stade, nous ignorons encore comment, pourquoi et précisément quand le champ magnétique martien a cessé de fonctionner. Les modélisateurs pourront peut-être apporter des réponses en utilisant ces nouvelles données. Pour en savoir plus, il faudrait poser et surtout déplacer un magnétomètre à la surface, mais c’est techniquement très complexe. Ou encore collecter des échantillons et analyser leur aimantation. Et c’est l’un des objectifs à long terme de la mission Mars 2020, qui doit initier la prochaine étape de l’exploration martienne et le retour d’échantillons sur Terre !

Auteur

Benoit Langlais, Laboratoire de Planétologie et Géodynamique, CNRS/Univ. Nantes/Univ. Angers

champ magnétique martien
©VR2Planets/LPG

En savoir plus

Décryptage : Une nouvelle chronologie du champ magnétique global martien