Le désert d'Atacama abrite la plus ancienne collection de météorites au monde

Résultat scientifique Terre Solide

La mesures des âges de chute de météorites collectées dans la dépression centrale du désert d'Atacama (Chili) révèle qu’avec un âge moyen de 700 000 ans, cette collection de météorites est de loin la plus ancienne sur Terre. Certaines de ces météorites sont au sol depuis plus de 2 millions d’années, soulignant l’extrême stabilité de ce désert ! Bien plus ancienne que les collections issues d'autres déserts chauds et même d'Antarctique, la collection de météorites d'Atacama offre l’opportunité unique de sonder la variabilité du flux de météorites sur les deux derniers millions d'années.

Campagne de recherche systématique de météorites dans le désert d'Atacama, Chili.

Au cœur du Chili, l'Atacama est le plus vieux désert sur Terre, avec des âges de surface dépassant par endroit les 20 Ma. Par ailleurs des expéditions successives organisées par le CEREGE ces dernières années ont montré qu'il abritait les plus grandes densités de météorites au sol, jusqu’à 200 météorites par km2. Coïncidence ou corrélation ? Pour le déterminer, une équipe du CEREGE et du LAM a mesuré les âges terrestres (âges de chute sur Terre) d’un échantillon aléatoire de 54 météorites (chondrites) de la région El Médano parmi les 400 retrouvées à ce jour.

La détermination des âges repose sur la mesure de la concentration des grains de métal des météorites en 36Cl, un isotope cosmogénique radioactif qui est produit jusqu'à saturation dans le météoroïde précurseur de la météorite par exposition aux rayons cosmiques pendant le transfert de plusieurs millions d’années depuis la ceinture d’astéroïde jusqu’à la Terre. Une fois sur Terre, l'atmosphère protège la météorite de ces rayonnements énergétiques et la production de 36Cl devient infime. Le capital en 36Cl de la météorite s'évanouit alors progressivement par désintégration radioactive.  La détermination de l'abondance en 36Cl permet ainsi d'estimer avec une précision de l'ordre de la 50 ka  d'années l’âge de la chute sur Terre de la météorite. Pour obtenir l'abondance en 36Cl, il a fallu au préalable séparer la fraction métallique des autres minéraux des échantillons puis en extraire le 36Cl par précipitation du chlorure d'argent. Finalement, les mesures d'abondance en 36Cl  ont été obtenues avec le spectromètre de masse par accélération ASTER.

Distribution cumulative normalisée des âges terrestres des météorites d'Atacama (bleu, cette étude) et meilleure approximation exponentielle (rouge). Les résultats sont mis en comparaison avec la distribution obtenue dans les autres déserts chauds de la planète (ocre) et celle d'Antarctique (bleue). Le panneau de droite est un agrandissement sur les âges entre 0 et 65 milliers d'années. Le domaine coloré représente l'incertitude maximale sur les âges, estimée à 90 milliers d'années.

La distribution des âges obtenus montre sans équivoques que les météorites chiliennes constituent de loin la plus ancienne collection de météorites sur Terre. L’âge terrestre moyen y est de 710 ka, comparé à 12 ka pour les autres déserts chauds et 99 ka en Antarctique. Par ailleurs, les plus anciennes chondrites d'Atacama qui ont été retrouvées sont arrivées sur Terre il y a plus de 2.5 millions d'années !  Ces résultats concordent bien avec l'ancienneté et l’hyperaridité de ce désert et expliquent la forte densité de météorites retrouvée dans la région. Sur la base de ces mesures, l'équipe a également pu estimé que tombaient en moyenne 222 météorites de plus de 10 grammes par km2 chaque million d'années sur Terre, affinant de précédentes estimations.

En outre, l'existence d'une collection si ancienne offre une opportunité unique de sonder la variabilité temporelle du flux de météorites sur des échelles de temps assez longues pour être pertinentes au vu de la durée classique des transferts des météorites depuis la ceinture d’astéroïdes vers la Terre. A partir de leur échantillonnage, les auteurs ont observé en particulier une variabilité significative dans la composition du flux de météorites avec des variations significatives  des abondances relatives des deux plus gros contributeurs (les chondrites ordinaires des groupes L et H) sur le dernier million d’années. Ce dernier résultat, même s’il demande confirmation sur une collection de météorites indépendante, montre que le désert d'Atacama offre la possibilité unique d'apporter de nouvelles contraintes sur l'histoire collisionnelle des corps parents des météorites et des mécanismes de transferts des météoroïdes vers la Terre.

Source

A. Drouard, J. Gattacceca,  A. Hutzler, P. Rochette, R. Braucher, D. Bourlès, ASTER team, M. Gounelle, A. Morbidelli, V. Debaille, M. VanGinneken, M. Valenzuela, Y. Quesnel, R. Martinez. The meteorite flux of the last 2 Myr recorded in the Atacama Desert. Geology (2019). do: 10.1130/G45831.1

Contact

Alexis Drouard
LAM
Jérôme Gattacceca
CEREGE