Les fronts océaniques, refuges climatiques naturels de biodiversité
Les fronts océaniques, ces zones étroites à la surface de l'océan où des masses d’eau de températures ou de salinités différentes se rencontrent, jouent un rôle fondamental pour la vie marine. Une étude récente menée par une équipe de chercheurs du LOCEAN-IPSL à Paris, de l’IRD en Nouvelle-Calédonie et du LOG à Wimereux, révèle que ces frontières dynamiques modifient non seulement la quantité, mais aussi la composition du phytoplancton, ces micro-algues à la base de la chaîne alimentaire océanique.
Grâce à 18 années de données satellitaires à haute résolution, et d’un algorithme basé sur des techniques de classification par intelligence artificielle, les scientifiques ont analysé la distribution de sept grands groupes de phytoplancton, des diatomées aux cyanobactéries, dans les fronts et hors des fronts. Leur conclusion ? Les fronts océaniques favorisent quasi systématiquement les diatomées, un groupe de phytoplancton eucaryote particulièrement efficace pour exporter le carbone et pour entretenir la chaîne alimentaire, au détriment des prokaryotes comme les cyanobactéries. Les autres groupes d’eukaryotes, quant à eux, répondent aussi généralement à la hausse, mais de manière plus contrastée que les diatomées. Ces changements de composition à fine échelle peuvent expliquer jusqu’à la moitié des différences observées à grande échelle entre les communautés phytoplanctoniques de differents biomes de l’Atlantique Nord, allant des déserts océaniques des gyres subtropicales aux régions de bloom que l’on trouve plus au nord.
Autrement dit, les fronts océaniques ne sont pas que des zones de plus forte biomasse : ils façonnent aussi la diversité du vivant marin. Et ce rôle pourrait devenir encore plus crucial dans un océan qui se réchauffe. Les diatomées, qui ont besoin de nutriments pour prospérer, voient leur habitat se réduire avec la stratification croissante des eaux. Mais les fronts, en favorisant les remontées de nutriments, pourraient leur offrir un refuge climatique naturel.
Ces résultats invitent à mieux intégrer ces structures fines mais influentes dans les modèles climatiques. Car comprendre où et comment le phytoplancton s’épanouit, c’est aussi mieux anticiper les réponses de l’océan aux bouleversements globaux.
Laboratoires CNRS impliqués
- Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN - ECCE TERRA)
Tutelles : CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne univ.
- Laboratoire d'océanologie et de géosciences (LOG)
Tutelles : CNRS / Univ Lille / Univ Litteral Côte d'Opale
Pour en savoir plus
Lévy, M., Haëck, C., Mangolte, I. et al. Shift in phytoplankton community composition over fronts. Commun Earth Environ 6, 591 (2025).