Les panaches volcaniques perdent rapidement leur signature magmatique
Publié dans la revue Science Advances, une équipe franco-étatsuniennes menée par Alexander Nies (CNRS, LPC2E) montre que les gaz volcaniques s’oxydent quasi instantanément lorsqu’ils rencontrent l’air. En suivant le devenir du brome réactif, les scientifiques révèlent qu’une interface haute température-atmosphère joue un rôle déterminant dans la transformation des panaches volcaniques, avec des implications directes pour la surveillance des éruptions.
Lorsque des gaz magmatiques chauds et riches en eau s’échappent d’un cratère, ils rencontrent l’air froid et riche en oxygène. Dans cette zone de mélange très réactive, appelée interface haute température-atmosphère, une oxydation très rapide se produit en quelques millisecondes. Les gaz volcaniques émis à plus de 1000 K (750 °C) perdent ainsi rapidement leur empreinte magmatique, rendant leur interprétation plus complexe pour les volcanologues.
Un nouveau modèle pour relier émissions et mesures
L’équipe a développé un modèle inédit qui simule la chimie des gaz, depuis l’émission chaude jusqu’au panache refroidi.
« Ce nouveau modèle nous permet d'établir un lien direct entre les gaz du panache mesurés par les volcanologues et l'émission réelle de gaz magmatiques dans le cratère. » expliquent les auteurs.
Il montre notamment que certaines réactions de combustion inhabituelles expliquent la transformation rapide de certains gaz.
Le rôle clé du brome comme traceur
L'accès direct à l'interface haute température-atmosphère est difficile car elle est souvent hors de vue au fond du cratère, tandis que les fontaines et les lacs de lave sont dangereux à approcher. L'équipe s'appuie donc sur les émissions volcaniques de brome, qui fournissent des preuves irréfutables
Le brome est rejeté par les volcans principalement sous forme réduite (HBr) mais des formes oxydées de brome réactif, telles que BrO, peuvent être détectées dans les panaches volcaniques et ainsi servir de traceur chimique.
Les résultats démontrent que la formation de BrO ne peut être expliquée qu’en présence d’une interface magmatique-atmosphérique chaude, confirmant le rôle central de ce processus atmosphérique dans la perte de la signature magmatique.
Perspectives pour la surveillance volcanique et la chimie atmosphérique
Ces travaux ouvrent la voie à une meilleure interprétation des mesures de gaz volcaniques pour la surveillance des risques d’éruption volcaniques. L’équipe explore désormais les implications de ce modèle sur la chimie du mercure, du soufre et la formation de particules dans les panaches volcaniques, avec de nouvelles campagnes de terrain en cours sur l’Etna.
Laboratoire CNRS impliqué
Laboratoire de physique et de chimie de l'environnement et de l'espace (LPC2E) Tutelles : CNRS / CNES / Univ. Orléans
Laboratoire de météorologie dynamique (LMD) Tutelles : CNRS / ENS-PSL / Ecole polytechnique / Sorbonne Université