Les sources hydrothermales profondes stimulent des efflorescences phytoplanctoniques dans l’océan Austral

Résultat scientifique Océan Atmosphère

Une équipe internationale1 révèle pour la première fois la présence d’efflorescences phytoplanctoniques directement stimulées par les apports en fer dissous de sources hydrothermales profondes dans l’océan Austral. Cette découverte a été obtenue en combinant des observations de flotteurs profileurs avec des données historiques d’éléments traces et des données satellitaires d’altimétrie et de couleur de l’océan. Ces observations démontrent que l’activité des sources hydrothermales profondes peut influencer les cycles biogéochimiques de surface de l’océan Austral, et en particulier stimuler la pompe biologique de carbone.

  • 1Les laboratoires français impliqués sont le Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV/OOV, Sorbonne Universités / CNRS), le Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN/IPSL, Sorbonne Université / CNRS / MNHN / IRD), le laboratoire TAKUVIK (Université Laval / CNRS), le Laboratoire d’océanographie microbienne (LOMIC/OOB, Sorbonne Universités / CNRS) et le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, Université Paul Sabatier / CNRS / CNES / IRD).

Le fer est une ressource qui limite le développement du phytoplancton sur de vastes étendues de l’océan mondial. Jusqu’à récemment, le rôle de l’activité hydrothermale dans le cycle du fer et ses effets sur les cycles biogéochimiques mondiaux ont été largement sous-estimés. Les découvertes récentes sur la répartition globale et le nombre de ces sources hydrothermales incitent les chercheurs à revoir les paradigmes existants liés à leur impact sur la biogéochimie des océans.
L’océan Austral (région située au sud de 40°S) est la plus grande région de l’océan mondial limitée en fer, de sorte que le phytoplancton est particulièrement sensible aux apports de fer et donc peut-être aux sources hydrothermales. Les simulations de modèles globaux indiquent que la pompe biologique pourrait être directement affectée à l’échelle globale par le fer dissous provenant de sources hydrothermales profondes. Cependant, aucune observation locale n’a corroboré ces conclusions.

En combinant des observations de flotteurs profileurs instrumentés déployés sur l’ensemble de l’océan Austral avec des données historiques d’éléments traces et des données satellitaires d’altimétrie et de couleur de l’océan, une équipe internationale1 a pu observer deux efflorescences massives de phytoplancton en décembre 2014 et 2015 dans des eaux censées être limitées en fer. Après un examen plus approfondi de cette région, les chercheurs ont pu montrer que ces efflorescences s’étaient produites au niveau du courant circumpolaire antarctique, en aval d’un arc de vents hydrothermaux actifs de la dorsale océanique sud-ouest indienne. Dans cette zone particulière, une forte signature hydrothermale des eaux de surface a également été détectée indiquant des remontées d’eaux profondes. Or, ces remontées d’eau profonde, qui semblent favorisées par la topographie de la dorsale océanique, permettent d’alimenter le phytoplancton en fer. Ces résultats indiquent que les remontées d’eaux profondes enrichies en fer hydrothermal peuvent stimuler les efflorescences massives de phytoplancton dans l’océan Austral
Traditionnellement, la croissance du phytoplancton dans l’océan Austral est considérée comme étant liée au fer des régions côtières ou de la banquise. Par cette étude, les chercheurs démontrent que l’hydrothermalisme serait un mécanisme supplémentaire à prendre en compte pour comprendre la biogéochimie de l’océan Austral.

Photohraphie de flotteur-profileur
Flotteur-profileur avec capteurs biogéochimiques dans des eaux polaires. © P. Bourgain.

Il est particulièrement difficile de documenter la dynamique de ce type de mécanisme en raison de l’éloignement et des conditions extrêmes de l’océan Austral ainsi que de la nécessité d’être au bon endroit au bon moment. Ces efflorescences particulières pourraient être plus fréquentes qu’on ne le pense dans l’océan Austral (ainsi que dans l’océan mondial), en raison du nombre élevé des sources hydrothermales.
Les implications de ces « hot spots » biologiques soutenus par du fer d’origine hydrothermale pourraient être importantes et multiples, car ces « hot spots » pourraient soutenir les écosystèmes marins et séquestrer le carbone en profondeur.
De nouveaux programmes et études seront manifestement nécessaires pour évaluer l’impact global de l’activité hydrothermale sur les cycles du fer et du carbone de l’océan Austral, et ses conséquences sur la pompe biologique de CO2.

  • 1Les laboratoires français impliqués sont le Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV/OOV, Sorbonne Universités / CNRS), le Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN/IPSL, Sorbonne Université / CNRS / MNHN / IRD), le laboratoire TAKUVIK (Université Laval / CNRS), le Laboratoire d’océanographie microbienne (LOMIC/OOB, Sorbonne Universités / CNRS) et le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, Université Paul Sabatier / CNRS / CNES / IRD)

Source

Hydrothermal vents trigger massive phytoplankton blooms in the Southern Ocean, Mathieu Ardyna1, Léo Lacour, Sara Sergi, Francesco d’Ovidio, Jean-Baptiste Sallée, Mathieu Rembauville, Stéphane Blain, Alessandro Tagliabue, Reiner Schlitzer, Catherine Jeandel, Kevin Robert Arrigo, Hervé Claustre, Nature Communication, 2019, https://doi.org/10.1038/s41467-019-09973-6.

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