Les tourbières comme point de bascule du climat

Résultat scientifique Surfaces continentales

Les tourbières ne recouvrent que 3 % de la surface continentale terrestre mais renferment un tiers du stock de carbone des sols mondiaux. Une équipe internationale de scientifiques, dont certains du CNRS-INSU (voir encadré), vient de démontrer qu’en s’asséchant, les plus vastes tourbières tropicales situées dans le bassin central du Congo1  pourraient ne plus être en mesure de stocker le carbone des végétaux qui s’y accumule, mais plutôt libérer du CO₂ dans l’atmosphère et contribuer ainsi au réchauffement climatique. Les tourbières du bassin central du Congo apparaissent donc comme des écosystèmes vulnérables dont le fonctionnement est à prendre en compte dans les modèles climatiques globaux.

L’équipe, lors d’une expédition dans cette région, a procédé au prélèvement d’échantillons afin d’étudier la sensibilité de cet écosystème face au changement climatique. En datant des carottes de tourbe, les scientifiques ont observé des taux d’accumulation de tourbe très faible entre 7 500 et 2 000 ans avant aujourd'hui, dans toute la région. De plus, une reconstitution paléo-hydrologique (enregistrement des conditions de pluie du passé) a montré qu’entre 5 000 ans et 2 000 ans avant aujourd'hui, le climat est devenu progressivement plus sec. Ce qui a asséché les marécages et donc exposé à l’air des couches de tourbe plus anciennes entrainant une dégradation plus importante de cette tourbe, montrée par les analyses géochimiques : dégradation ayant probablement mené à une minéralisation de la tourbe (c’est-à-dire sa "transformation"en CO2), ceci expliquant ainsi les faibles taux d’accumulation montrés par les datations. On constate donc une perte massive et généralisée de tourbe qui ne s'est arrêtée que lorsque la sécheresse a cessé, permettant à la tourbe de recommencer à s'accumuler.

Les résultats montrent donc que les tourbières du Congo stockent du carbone dérivant des végétaux, dès lors qu’elles sont recouvertes en permanence par de l’eau, facteur favorable à une lente décomposition des végétaux et à une préservation dans le sol de la matière organique qui en dérive durant des millénaires. Finalement, si le changement climatique assèche les tourbières au-delà de leur point de bascule2 , celles-ci libéreront des quantités significatives de carbone dans l’atmosphère, accélérant ainsi le changement climatique.

  • 1Le bassin du Congo est l’un des plus grands bassins fluviaux de la planète abritant dans sa partie centrale le plus grand complexe de tourbières tropicales au monde.
  • 2Un point de bascule est un point de non-retour au-delà duquel une composante du système climatique bascule brusquement dans un nouvel état.

Laboratoire CNRS impliqué

Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE – OSU Institut Pythéas)

Tutelles : CNRS / AMU / IRD / INRAE / Collège de France

Tourbière boisée de la Cuvette Centrale congolaise (Département de la Cuvette, République du Congo). © Yannick Garcin

Pour en savoir plus

Garcin, Y., Schefuß, E., Dargie, G.C. et al. Hydroclimatic vulnerability of peat carbon in the central Congo BasinNature (2022).

Contact

Yannick Garcin
Chercheur IRD au Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE)