L’océan Pacifique Sud-Ouest : une source importante d’azote externe pour l’océan

Une découverte récente de chercheurs de l’Institut méditerranéen d’océanographie (MIO/PYTHÉAS, Université Aix-Marseille / CNRS / IRD / Université de Toulon) risque de modifier la cartographie des recherches sur le cycle de l’azote dans l’océan. Les premiers résultats de la campagne océanographique OUTPACE montrent en effet que la région océanique où les flux de fixation d’azote atmosphérique sont les plus importants est le Pacifique Sud-Ouest. Cette vaste région située entre la Nouvelle-Calédonie et l’archipel des Tonga apparaît à l’échelle mondiale comme une source principale d’azote pour l’océan. L’azote étant essentiel à la croissance du plancton végétal, premier maillon de la chaîne alimentaire marine, ces résultats devraient inciter les spécialistes à porter une plus grande attention à cette région.
 

Comprendre le cycle de l’azote est essentiel car tous les êtres vivants en ont besoin pour la construction de protéines et d’autres molécules constituantes. Les échanges d'azote entre l’atmosphère et l’océan résultent de transformations effectuées par des bactéries et cyanobactéries marines qui sont capables de capter l’azote de l’air dans l’océan (soit une source d’azote pour l’océan par fixation d’azote) ou, à l’inverse, de convertir l’azote océanique en gaz (un puits d’azote par dénitrification). L’apport d’azote par fixation est considéré comme le principal apport externe à l’océan, loin devant les apports par les fleuves. Ainsi, la fertilité de l’océan va dépendre de l’intensité de ces deux processus de fixation d’azote et de dénitrification.

Il était établi jusqu’à présent que les zones océaniques sources et puits d’azote étaient proches, car les eaux ayant subi la dénitrification présentent des conditions favorables à la croissance des fixateurs d’azote, permettant d’envisager un rééquilibrage rapide entre pertes et gains d’azote. Une des principales zones de dénitrification dans l’océan étant localisée dans l’océan Pacifique Sud-Est (zone de minimum d’oxygène, OMZ), il était logique d’envisager une forte fixation d’azote dans les eaux de la gyre océanique voisine.

Or, les travaux du MIO remettent en question ce couplage géographique étroit. Les résultats ont été acquis au cours de quatre campagnes océanographiques réalisées dans le Pacifique Sud-Ouest entre 2012 et 2015 en conditions d’été et d’hiver austral, totalisant plus de 600 mesures d’azote 15N2, dont en particulier un transect de 4 000 kilomètres à ~ 20°S en 2015 entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française (OUTPACE). Des taux de fixation de N2 de 570 µmol N.m-2.jour-1 en moyenne ont été mesurés. Ces taux sont bien plus élevés que les valeurs estimées par les modèles pour le secteur (soit ~ 150-200 µmol N.m-2.jour-1) et dans la fourchette supérieure (100-1000 µmol N.m-2.jour-1) des taux actuellement disponibles dans la base de données globale de fixation de N2 (MAREDAT).

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Distribution des taux de fixation d’azote (µmol N.m-2.jour-1) dans l’océan mesurés par la méthode du marquage isotopique au 15N2. Points rouges : taux de fixation d’azote mesurés dans le Pacifique Sud-Ouest au niveau de 57 stations. Points verts : comparaison avec les taux de fixation connus dans le reste de l’océan (données MAREDAT). Flèches grises : principaux courants de surface. SEC : Courant Équatorial Sud. Zones orange : principales zones océaniques de minimum d’oxygène (OMZ).
L’océan Pacifique représenterait donc un point important (ou point chaud, hot spot) de la fixation de N2 à l’échelle globale, vraisemblablement en raison des forts apports en fer dans cette région, un composant important pour le fonctionnement de l’enzyme nitrogénase qui catalyse la fixation de N2. En conclusion, l’océan Pacifique tropical Sud-Ouest fournit des conditions environnementales optimales pour la croissance intensive des organismes fixateurs d’azote (ou diazotrophes), mais cette région mérite une attention particulière pour mieux identifier les raisons d'un tel succès écologique.

Pour en savoir plus: 
  • Site web OUTPACE
  • La plupart des nombreux résultats scientifiques attendus seront publiés dans une issue spéciale de la revue européenne Biogeosciences.

Sources

Bonnet Sophie, Caffin Mathieu, Berthelot Hugo & Thierry Moutin. Hot spot of N2 fixation in the western tropical South Pacific pleads for a spatial decoupling between N2 fixation and denitrification. Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), 2017, vol. 114 no. 14, E2800–E2801, doi: 10.1073/pnas.1619514114.

Contact

Sophie Bonnet
MIO/PYTHÉAS