Première prédiction des propriétés du fond stochastique d’ondes gravitationnelles d’origine astrophysique
La détection des ondes gravitationnelles par les interféromètres LIGO et Virgo a ouvert une nouvelle fenêtre observationnelle en astrophysique. Une équipe de chercheurs de l’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS/Sorbonne Université), de l’université d’Oxford et de l’Institut Max-Planck pour la physique gravitationnelle a établi les propriétés des anisotropies du fond stochastique d’ondes gravitationnelles généré par toutes les sources astrophysiques non résolues. Elle présente dans la revue Physical Review Letters, la première prédiction du spectre angulaire de cette nouvelle observable astrophysique. Ce travail ouvre un nouveau champ d’étude au croisement de la relativité générale, de l’astrophysique et de la cosmologie.
La détection directe des ondes gravitationnelles par LIGO et Virgo ouvre une nouvelle voie observationnelle en astrophysique. L’étude des quelques systèmes binaires de trous noirs et d’étoiles à neutrons observés lors de leur coalescence apporte déjà de nombreuses informations sur ces systèmes.
Chaque galaxie possède de nombreuses sources d’ondes gravitationnelles : systèmes binaires de trous noirs et d’étoiles à neutrons, trous noirs supermassifs, supernovae etc. La grande majorité de ces systèmes ont une puissance trop faible pour être individuellement détectée. Ces sources non‐résolues contribuent collectivement à la production d’un fond stochastique d’ondes gravitationnelles, similaire au fond diffus infrarouge produit par toutes les sources optiques non‐résolues.
Les propriétés de ce fond stochastique dépendent autant de la cosmologie (qui décrit l’évolution des grandes structures de l’univers) de l’histoire de formation des galaxies et de l’astrophysique. En effet, le taux cosmique de formation d’étoiles et le scénario d’évolution stellaire déterminent le taux de formation de trous noirs et d’étoiles à neutrons ainsi que l’abondance et l’évolution des systèmes binaires, cela en fonction du temps. En développant un modèle semi‐analytique, les chercheurs ont pu modéliser les différentes populations sources d’ondes gravitationnelles. Pour chacune d’entre elles, la relativité générale permet de décrire le rayonnement gravitationnel. Ainsi, ils ont pu calculer la luminosité en onde gravitationnelle des galaxies en fonction des caractéristiques de ces dernières (masse, fraction d’éléments chimiques complexes, âge). La cosmologie leur a ensuite permis de décrire la distribution des galaxies. Celle-‐ci dépend à la fois des conditions initiales sur les inhomogénéités de la distribution de matière générée dans l’univers primordial pendant la phase d’inflation et de leur évolution. En couplant leur modèle astrophysique à un modèle cosmologique, les chercheurs ont prédit les propriétés statistiques de ce fond d’ondes gravitationnelles, et en premier lieu son spectre de puissance angulaire dans différentes bandes de fréquence. Ils prédisent qu’à la fréquence de 100 Hz, les fluctuations du signal sont de l’ordre de 30% par rapport à sa valeur moyenne. Ils ont aussi établi une expression analytique de ce spectre aux grandes échelles angulaires. Ces informations sont capitales pour pouvoir détecter ce signal. Ce travail est l’aboutissement d’un programme de recherche développé à l’Institut d’Astrophysique de Paris où toute l’équipe travaillait jusqu’à la fin 2017.
Cette approche nécessite de coupler relativité générale, évolution stellaire, évolution des galaxies et cosmologie. Le signal prédit dépend de nombreux paramètres astrophysiques encore mal connus (distribution des systèmes binaires, fraction de trous noirs dans des systèmes binaires, évolution des galaxies, etc.). Cette étude laisse ainsi entrevoir une possibilité pour mesurer des paramètres inaccessibles autrement. Ce résultat ouvre de nombreuses perspectives en astrophysique, en particulier pour contraindre le taux de formation de systèmes binaires et de leur coalescence ou la répartition spatiale des trous noirs.
Les chercheurs ont aussi démontré que ce signal d’ondes gravitationnelles était corrélé à d’autres observables cosmologiques comme la distribution des galaxies et le effets de lentilles gravitationnelles faibles. Ces corrélations permettent de comparer entre elles la distribution de la matière visible (galaxies), de la matière noire (effets de lentilles gravitationnelles) et des trous noirs offrant une information inaccessible en astronomie optique.
L’amplitude de la densité moyenne du fond astrophysique stochastique d’ondes gravitationnelles a été contrainte par l’expérience LIGO et les expériences de chronométrage de pulsar, qui étudient aujourd’hui la possibilité de détecter les anisotropies aux grandes échelles angulaires. Le résultat publié est la première prédiction théorique sur laquelle peuvent s’appuyer ces développements.
Pour en savoir plus :
G. Cusin, I., C. Pitrou, et J.-P. Uzan, Anisotropy of the astrophysical gravitational wave background I: analytic expression of the angular power spectrum and correlation with cosmological observations, Phys. Rev. D 96, 103019 (2017)
I. Dvorkin, J.-P. Uzan, E. Vangioni, et J. Silk, A synthetic model of the gravitational wave background from evolving binary compact objects, Phys. Rev D 94, 103011 (2016)
Source(s)
G. Cusin, I. Dvorkin, C. Pitrou, et J.-P. Uzan, First prediction of angulat power spectrum of the astrophysical gravitational wave background, Phys. Rev. Lett (2018)