Quand les données de salinité permettent d’estimer l’augmentation de la masse globale des océans

Résultat scientifique Océan Atmosphère

Des chercheurs d’une collaboration internationale1 viennent d’estimer de manière indirecte l’augmentation de la masse globale des océans entre 2005 et 2015, en estimant le bilan global de salinité des océans à partir de toutes les données in situ disponibles sur cette période. Ces résultats sont conformes aux dernières estimations directes, via les données gravimétriques de la mission spatiale GRACE, dont ils devraient donc permettre d’améliorer les incertitudes.

  • 1Les laboratoires et institutions impliqués sont le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD), Scripps Institution of oceanography (USA), le Laboratoire d'océanographie physique et spatiale (LOPS/IUEM, CNRS / UBO / Ifremer / IRD) et la University of Bristol (UK).

La hausse moyenne globale du niveau de la mer s’explique par le réchauffement des océans (dilatation thermique) et les apports d’eau douce provenant de la fonte des glaces continentales (Groenland, Antarctique et glaciers de montagne). Or, ces apports d’eau douce entraînent en outre une augmentation de la masse globale des océans. Cette augmentation peut être estimée à l’aide des données gravimétriques de la mission spatiale GRACE, mais avec de grandes incertitudes car des corrections géophysiques2 mal contraintes doivent être appliquées à ces données. Cependant, la masse des océans peut également être évaluée indirectement à l’aide du bilan global de salinité des océans.

Des chercheurs d’une collaboration internationale1 viennent d’estimer la diminution moyenne de la salinité des océans à partir de toutes les données in situ disponibles, notamment celles des flotteurs Argo et des campagnes océanographiques, enregistrées entre 2005 et 2015 sur toute la colonne d’eau. Cette diminution correspond à une augmentation de la masse globale des océans, qui elle-même correspond à une augmentation du niveau de la mer de 1,55 ± 1,20 mm par an durant cette période.
Ce résultat est conforme à une autre estimation (1,60 ± 0,27 mm/an) réalisée à l’aide d’un ensemble de données GRACE tenant compte de toutes les corrections géophysiques les plus récentes. Ainsi, les résultats de cette nouvelle étude permettent de placer une contrainte forte et indépendante sur les corrections géophysiques à appliquer aux données GRACE.

Illustratin scientifique
Évolution du niveau de la mer due à celle de la masse globale des océans estimée à partir des données GRACE (courbe noire, moyenne d’ensemble GRACE-LEGOS, Blazquez et al., 2018) et à partir du bilan global de sel des océans entre 0 et 2000 m de profondeur (courbe bleue) et sur toute la colonne d’eau (courbe verte).


Une des limites de l’étude en salinité vient du peu d’information disponible sur la contribution de l’océan en dessous de 2000 mètres, les flotteurs Argo ne mesurant usuellement la température et la salinité que jusqu’à 2000 mètres de profondeur. Avec le déploiement des nouveaux flotteurs « Deep-Argo », il est maintenant possible d’accéder à des profils jusqu’à 4 000 et 6 000 mètres de profondeur. Dans les prochaines années, la couverture globale de salinité va donc s’améliorer ce qui permettra d’établir plus précisément le bilan global de sel et donc l’augmentation de la masse globale des océans.

Enfin, la masse de l’océan peut aussi être estimée en effectuant le bilan du niveau de la mer par altimétrie spatiale, puis en lui soustrayant l’effet du réchauffement des océans. Cette troisième méthode conduit à une augmentation de la masse des océans équivalente à 2,18 ± 0,30 mm/an sur la même période. Cette valeur est plus forte de 0,58 à 0,63 mm/an par rapport aux deux méthodes précédentes (salinité et GRACE). L’origine exacte de cette différence est encore méconnue et doit maintenant être étudiée.

  • 2Ces corrections géophysiques se rapportent à la déformation de la croûte terrestre due à la fonte des grandes calottes de l'hémisphère nord d’il y a -20 000 ans (correction du rebond post-glaciaire) et aux variations du géocentre de la Terre.
  • 1Les laboratoires et institutions impliqués sont le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD), Scripps Institution of oceanography (USA), le Laboratoire d'océanographie physique et spatiale (LOPS/IUEM, CNRS / UBO / Ifremer / IRD) et la University of Bristol (UK).

Source

Llovel, W., S.G. Purkey, B. Meyssignac, A. Blazquez, N. Kolodziejczyk and J. Bamber, Global ocean freshening, ocean mass increase and global mean sea level rise over 2005-2015, Scientific Reports, volume 9, Article number: 17717 (2019). doi:10.1038/s41598-019-54239-2

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