Résif-Epos : le réseau français qui observe l’intérieur de la Terre

Institutionnel Terre Solide

Depuis 2008, le réseau sismologique et géodésique français Résif-Epos étudie l’activité interne de la Terre en France métropolitaine et Outre-mer. Il s’appuie sur des réseaux denses de capteurs dont les données sont mises à disposition de la communauté scientifique en temps réel et gratuitement. Ces données permettent aux scientifiques d’évaluer l’aléa et le risque sismique, d’étudier la structure interne du globe ou encore de suivre les déformations de la croûte terrestre. Comment fonctionne Résif-Epos ? Quelles sont ses réussites et ambitions ? On vous explique tout sur cet impressionant réseau d’observation.

Pourquoi le réseau Résif-Epos a-t-il été lancé ?

 

La construction du réseau sismologique et géodésique français Résif-Epos a été lancée en 2008 pour fédérer, moderniser et développer les moyens d’observation géophysique de la Terre interne en France. Par le rapprochement des différents acteurs du domaine, mais surtout par l'amélioration et l'extension des réseaux permanents d’observation et des parcs instrumentaux, il s'agissait de recueillir, sur l'ensemble du territoire métropolitain, des données de très haute qualité permettant de mieux comprendre la dynamique terrestre, y compris dans les zones de faible activité. Concrètement, Résif-Epos a pour mission de collecter, centraliser, traiter puis diffuser gratuitement, en temps réel ou quasi-réel, des données géophysiques de grande qualité répondant aux standards internationaux. Ainsi, Résif-Epos représente aujourd’hui la contribution majeure de la France au European Plate Observing System (Epos).

Grâce à ses instruments de pointe et à son système d'information performant, Résif-Epos contribue à l'amélioration des connaissances scientifiques et, également, à des aspects plus opérationnels, notamment pour le suivi de l’activité sismique du territoire et l’évaluation rapide des dégâts en cas de crise tellurique (séisme, éruption, glissement de terrain…).

La carte des réseaux permanents distribués par Résif (en rouge, les stations sismologiques / en bleu, les stations GNSS / en vert, les stations gravimétriques) en France métropolitaine et en Corse

Qu’observe-t-il exactement et grâce à quels instruments ?

 

En sismologie, plusieurs parcs de capteurs mesurent et enregistrent les mouvements rapides de la croûte terrestre. Les capteurs à large bande passante du réseau large bande permanent (RLBP), installés sur l’ensemble du territoire métropolitain, enregistrent les mouvements du sol sur une large gamme de fréquences et d’amplitudes. Le réseau accélérométrique permanent dispose, lui, de capteurs plutôt dédiés à l’étude des mouvements forts pour des applications centrées sur l’étude de l'aléa et du risque sismique. Ils sont, par conséquent, installés dans les zones les plus sismiques en métropole (e.g. Alpes, Pyrénées) et Outre-Mer (Antilles, Réunion, Mayotte).

Côté géodésie, Résif-Epos intègre un réseau permanent (Rénag) de stations GNSS (Global Navigation Satellite Systems) capables de mesurer des vitesses de déplacement du sol de l’ordre de quelques dixièmes de millimètres par an, qui permettent de suivre les déformations de la croûte terrestre et les processus à l’origine des reliefs et de la sismicité, mais aussi, par exemple, de quantifier la vapeur d'eau troposphérique pour la météorologie et le climat.

Station GNSS de PARD du réseau Résif-Rénag, sur la commune de Pardailhan (Hérault) © Sandrine Baudin

Résif-Epos dispose, par ailleurs, de gravimètres qui mesurent les variations infimes du champ de pesanteur provoquées par la répartition et la dynamique des masses à l’intérieur de la Terre, ce qui renseigne sur la structure interne du globe. Les gravimètres peuvent également être utilisés pour l'exploitation et la préservation des ressources naturelles, la surveillance de réservoirs, ou pour suivre le cycle de l'eau.

En complément de ces réseaux permanents, Résif-Epos coordonne différents parcs d’instruments mobiles qui permettent de densifier temporairement les mesures en France ou dans des zones à fort intérêt scientifique en Europe ou dans le monde. Ces instruments sont ouverts à toute la communauté scientifique académique.

 

En quoi Résif-Epos est-il innovant ?

 

En ce qui concerne le RLBP et grâce à un financement EquipEx, Résif-Epos a construit une véritable antenne sismologique à l’échelle de la France métropolitaine avec l’installation de près de 170 stations large bande (190 d’ici 2024) réparties sur l’ensemble du territoire. Cette densification permet d’améliorer notre connaissance de l’aléa sismique en France en étant capable de détecter de très faibles séismes (magnitude inférieure à 2). C’est aussi un outil permettant de construire des images détaillées de la structure de la croûte et du manteau terrestre sous la France ou d’étudier d’autres zones du globe en association avec d’autres réseaux sismologiques.

Effondrement d’une maison suite au séisme du Teil le 11 novembre 2019 © Rémi Dretzen

Une spécificité du RLBP réside dans le fait que plus de la moitié des stations sont installées dans des forages peu profonds (3-20m) spécialement conçus pour accueillir des sismomètres dits « fond de puits ». Cette approche, quasi unique à l’échelle de l’ensemble d’un réseau, permet de réduire très significativement le niveau de bruit ambiant et donc le seuil de détection des séismes locaux ou mondiaux.

Le système d'information Résif-Epos (Résif-SI) est, lui aussi, le résultat d'une démarche innovante conduite avec pour objectifs la qualité, la disponibilité et l'interopérabilité des données. À l'échelle nationale, six centres de données régionaux ont collaboré pour standardiser les formats de données et processus de traitement. Ils transmettent leurs données vers un centre unique prenant en charge leur archivage et leur distribution. Grâce à l’interopérabilité des données produites, ce centre est intimement intégré aux systèmes d’observation géophysiques européens coordonnés par l’infrastructure de recherche (IR) européenne Epos. Chaque année, des dizaines de millions de requêtes sont effectuées par des scientifiques du monde entier au système d’information de Résif-Epos. 

 

Quelles sont les grandes réussites de Résif-Epos ?

 

Une des premières réussites est la fédération de la communauté sismologique et géodésique française. Même s’ils étaient déjà plus ou moins en lien, Résif-Epos a permis l’organisation de la coopération des 18 acteurs majeurs (universités et établissements publiques) de la recherche géophysique en France, sous coordination du CNRS-INSU.

Concernant les mesures, Résif-SI donne accès aux enregistrements sismologiques haute fréquence de 399 stations permanentes et 2843 points de mesure temporaires. En 2020, il a distribué 73,5 téraoctets de données en réponse à plus de 37,5 millions de requêtes soumises par 2250 visiteurs uniques (chiffres de février 2021).

D’autre part, Résif-Epos a financé le développement du premier gravimètre quantique absolu commercial au monde. Ce gravimètre, compact et transportable, est basé sur la chute d'atomes froids. Il permet de mesurer avec une grande précision l’accélération de la pesanteur et d’évaluer ainsi les variations de masses sous la surface du sol. Les premiers résultats obtenus lors d’expérimentations conjointes ouvrent des larges perspectives pour des applications scientifiques ou industrielles pour l’étude de la structure interne du globe, des ressources naturelles et pour la surveillance de réservoirs.

 

Qu’est-ce qui est prévu pour la suite ?

 

Résif-Epos est l'une des structures de recherche porteuse du projet EquipEx+ MARMOR (Marine Advanced geophysical Research equipment and Mayotte multidisciplinary Observatory for research and Response) qui étend Résif-Epos au domaine marin pour l’étude des aléas telluriques (séismes, volcans, glissements de terrain) impactant les côtes et la population croissante qu’elles hébergent. Le projet MARMOR vise à fournir à la communauté des géosciences marines, une instrumentation sismologique et géodésique de pointe basée sur des technologies récentes (mesure sismique par fibre optique, positionnement fin en fond de mer en combinant le GNSS avec des mesures acoustiques sous-marines…). Quatre des axes du projet, dont la création d’un parc d’intervention en cas de crise, ont vocation à devenir des briques pérennes de Résif-Epos.

Côté système d'information, Résif-Epos doit relever le défi des très grands volumes de données induits, notamment, par le développement de nouvelles méthodes de collecte : réseaux denses de milliers de capteurs miniaturisées (large N-arrays), réseaux de sismomètres à bas coût opérés par les citoyens,  mesures distribuées le long de fibres optiques…. Ce changement d'échelle fait émerger les limites des capacités actuelles de stockage pérenne, de transport et de traitement. Les centres de données sont sollicités, non seulement pour héberger ces données, mais aussi pour fournir les ressources nécessaires à leur exploitation. Ces besoins nécessitent une évolution des pratiques de management des données, une augmentation des moyens de calcul, des formats adaptés et des produits dérivés plus « légers » en termes de volume. Les infrastructures de recherche nationales dédiées aux données de la recherche (en particulier l’IR Data Terra) et leurs projets (e.g. l’EquipEx+ Gaia Data), ainsi que le déploiement de la phase opérationnelle de l’IR européenne Epos, permettront de répondre à ces nouveaux besoins.