Séisme du 29 décembre 2020 en Croatie : les premières observations de terrain
Une équipe composée d’une vingtaine de chercheurs européens s’est rendue sur le lieu du séisme de magnitude 6,4 qui s’est produit le 29 décembre 2020 en Croatie. La zone épicentrale est située à 40 km au sud de Zagreb, capitale du pays. Leurs observations montrent que ce séisme a engendré une rupture co-sismique (3 à 40 cm de déplacement observé) sur une faille décrochante dextre, la faille de Petrinja, située sur le bord ouest du bassin sédimentaire Pannonien. Cela signifie que la surface terrestre s’est disloquée sous l’effet de la propagation des ondes sismiques et que, de part et d’autre du plan de faille, les compartiments rocheux ont coulissé de gauche et à droite. En Europe, il existe très peu d’exemples de ruptures co-sismiques visibles dans le paysage.
Les ruptures de surface observées se localisent le long d’une faille ayant une signature morphologique claire, marquée par plusieurs décalages dextres cumulés d’amplitudes allant de 5-6 m à environ 200 m. Ces décalages suggèrent une activité Quaternaire à Holocène, potentiellement associée à des séismes similaires. L’activité de cette faille était jusqu’à présent très peu connue, bien qu’un séisme majeur de magnitude 5,8 ait eu lieu en 1909 à environ 30 km au nord-ouest de Petrinja. L’ensemble du Bassin Pannonien s’est structuré lors de phases géodynamiques distinctes depuis le début du Miocène il y a environ 25 millions d’années (Fodor et al., 1999), exprimées aujourd’hui par un héritage tectonique important, avec de nombreuses failles d’orientations variables. L’activité sismogénique actuelle reflète très probablement une phase géodynamique très récente (essentiellement Quaternaire, Bada et al., 2007), dont l’expression géologique est « noyée » dans les phases plus anciennes. L’occurrence des séismes de 1909 et 2020 illustre donc la nécessité de cartographier rigoureusement les failles actives de cette région et de contraindre leur potentiel sismogénique. Si le séisme du 29 décembre confirme la capacité de la faille de Petrinja à générer des séismes de magnitude 6.5 (Basili et al., 2013), sa vitesse estimée entre 0,08 et 0,2 mm/an par la base de données européenne (EDSF) reste aujourd’hui peu contrainte.
Cette mission, qui a bénéficié du soutien financier de l’INSU dans le cadre de la cellule post-sismique, marque le début d’une collaboration à plus long terme avec les Croates et collègues européens, impliquant plusieurs laboratoires de l’INSU dont le CEREGE, ENS-Lyon, ISTerre et l’IRSN.
En savoir plus
Bada, G., Grenerczy, G., Tóth, L., Horváth, F., Stein, S., Cloetingh, S., ... & Fejes, I. (2007). Motion of Adria and ongoing inversion of the Pannonian Basin: Seismicity, GPS velocities, and stress transfer. SPECIAL PAPERS-GEOLOGICAL SOCIETY OF AMERICA, 425, 243.
Basili R., et al., (2013). The European Database of Seismogenic Faults (EDSF) compiled in the framework of the Project SHARE. http://diss.rm.ingv.it/share-edsf/, doi:10.6092/INGV.IT-SHARE-EDSF.
Fodor, L., Csontos, L., Bada, G., Györfi, I., & Benkovics, L. (1999). Tertiary tectonic evolution of the Pannonian Basin system and neighbouring orogens: a new synthesis of palaeostress data. Geological Society, London, Special Publications, 156(1), 295-334.
Herak, D., & Herak, M. (2010). The Kupa Valley (Croatia) Earthquake of 8 October 1909—100 Years Later. Seismological Research Letters, 81(1), 30-36.
Kalman Šipoš, T., & Hadzima-Nyarko, M. (2018). Seismic risk of Croatian cities based on building’s vulnerability. Tehnički vjesnik, 25(4), 1088-1094.
Moulin, A., Active tectonics of the Alps-Dinarides junction: quantitative morphology, fault kinematics and implications for the Adria microplate geodynamics, Thèse de doctorat de l’Université d’Aix-Marseille, 2014.