Turbulence en stratosphère équatoriale : les ballons météo révèlent une variabilité insoupçonnée
Dans une étude publiée dans PNAS, des scientifiques du LMD et du LATMOS (CNRS Terre & Univers) révèlent une variabilité inattendue de la turbulence dans la stratosphère équatoriale. Grâce à deux décennies de données issues de ballons météorologiques, ils ont mis en lumière l’influence de l’oscillation quasi-biennale (OQB) du vent et des ondes de Kelvin équatoriales sur la turbulence dans la stratosphère jusqu‘ici peu documentée. Une avancée qui pourrait améliorer les modèles climatiques et impacter l’utilisation des futures plateformes aéroportées solaires dans la stratosphère.
Entre 20 et 35 km d’altitude, dans la basse stratosphère, circulent des masses d’air qui transportent ozone, aérosols volcaniques et polluants atmosphériques. Ces déplacements dépendent des grands vents planétaires mais aussi de tourbillons à plus petite échelle : la turbulence. Invisible mais puissante, cette dernière affecte de nombreux processus physico-chimiques et joue un rôle dans la dynamique du système climatique. Pourtant, les observations fines de cette turbulence, à l’échelle de quelques mètres, restent rares à ce jour.
La stratosphère, souvent stable et calme, est un lieu stratégique pour de nombreuses applications : observation de la Terre, surveillance environnementale (comme les feux de forêts), ou les télécommunications. ou encore techniques de géo-ingénierie.
Des données inédites issues de ballons météorologiques
Pour mieux cerner la dynamique de la stratosphère, les chercheurs ont analysé des données d’observations de ballons météorologiques lancés depuis quatre sites équatoriaux sur une période de vingt ans. Ces données, disponibles à une résolution de 10 mètres, permettent pour la première fois d’explorer les structures fines des écoulements atmosphériques dans cette région du globe.

Ce travail de longue haleine a permis de révéler l’extrême variabilité de la turbulence, fluctuant d’un facteur dix sur une périodicité d’environ deux ans. Une régularité intrigante, qui correspond à celle de l’oscillation quasi-biennale, un cycle d’inversion des vents alternant entre vent d’Ouest et vent d’Est dans la stratosphère équatoriale.
Oscillation quasi-biennale et ondes de Kelvin : un lien clé mis en évidence
Des analyses approfondies des données ont révélé l’origine de cette variabilité. Les chercheurs montrent que les ondes de Kelvin équatoriales, générées par des orages tropicaux et se propageant verticalement, interagissent avec les changements de régime de vent. Lorsqu’elles rencontrent des transitions vers des vents d’Ouest, elles déferlent, à la manière d’une vague sur une plage, ce qui déclenche la turbulence à fine échelle.
Cette découverte met en lumière un lien direct entre des phénomènes à large échelle horizontale (plusieurs milliers de kilomètres) et des effets très localisés verticalement (quelques mètres à kilomètres), une connexion de différents volets de la dynamique atmosphérique rarement observée avec autant de précision.
Des perspectives pour le climat et les technologies stratosphériques
En fournissant des observations inédites de la turbulence stratosphérique équatoriale, cette recherche constitue une avancée importante pour contraindre les modèles de climat, qui peinent encore à intégrer fidèlement les dynamiques fines de la stratosphère. Elle devrait nourrir également les perspectives d’utilisation d’aéronefs stratosphériques solaires.

Pour en savoir plus
Laboratoires CNRS impliqués
Laboratoire de Météorologie dynamique (LMD)
Laboratoire Atmosphères et Observations Spatiales (LATMOS)