Yannick Mellier reçoit la médaille d'argent 2009 du CNRS
« L’instant où l’on observe Saturne pour la première fois dans une lunette astronomique est magique
Il s’intéresse au cisaillement gravitationnel, qui est la seule façon de percevoir la matière noire.
Le goût de Yannick Mellier pour les choses du ciel le pousse naturellement vers des études de physique, puis vers le DEA d’astrophysique de Meudon. Il part ensuite à l’observatoire de Toulouse pour réaliser une thèse, qu’il obtient en 1987, sur la structure des amas de galaxies. Il va alors à Durham, en Angleterre, pour son post-doctorat, avant de s’installer pour un an à Hawaï. C’est là qu’il découvre l’instrument auquel il doit une grande partie de ses découvertes : le télescope Canada-France-Hawaii. « Ce télescope est loin d’être parmi les plus grands du monde : il n’a que 4 mètres de diamètre. En revanche, son impact scientifique a été si considérable au cours des dernières années qu’il est parmi les plus prestigieux. » Suite à son séjour à Hawaii, Yannick obtient un poste à Toulouse puis, après quelques années de recherche extrêmement fructueuses, il décide en 1995 de passer à une nouvelle étape de sa carrière en venant à l’IAP.
L'oeil pétillant d’émotion et de fierté pour le travail réalisé, notre lauréat revient sur les grands moments de son parcours scientifique. Avec lui, nous découvrons un Univers fait d’illusions optiques, de trompe-l’œil et de mirages qui trahissent la présence d’une matière invisible. Mais pour comprendre ses recherches, il faut revenir sur l’une des conséquences de la relativité d’Einstein : la masse des objets célestes dévie la lumière. Ainsi, lorsqu’un corps massif (trou noir, galaxie...) se trouve entre l’observateur et un objet lumineux, ce dernier peut offrir une image déformée et démultipliée. C’est l’effet de lentille gravitationnelle. Il se peut même que l’image d’un objet soit si déformée qu’il prenne la forme d’un anneau, un anneau d’Einstein. C’est en 1987, lors de son doctorat, aux côtés de Bernard Fort et de Geneviève Soucail, que le jeune homme observe pour la première fois ce phénomène.
Depuis 1995, notre astronome a entrepris des recherches vertigineuses qui pourraient représenter un tournant dans la cosmologie. Il s’intéresse à présent au cisaillement gravitationnel : grâce à la déviation de la lumière des objets lointains par les structures massives de l’Univers, on peut déterminer la distribution de la matière dans l’Univers. Le cisaillement gravitationnel est la seule façon de percevoir la matière noire, dont la nature demeure encore un mystère et qui est cinq fois plus abondante que la matière « normale » qui nous constitue. Mais attention : cette cartographie de l’invisible est très difficile à mettre en œuvre. « Elle est à la limite même de la technologie actuelle car la distorsion de la lumière que l’on cherche à mesurer est extrêmement faible. »
Pour mener à bien cette tâche, les chercheurs utilisent une merveille technologique, une caméra géante appelée MegaCam placée au foyer du télescope Canada-France-Hawaii. La quantité de données produites par l’instrument est si abondante qu’il a fallu créer un centre de traitement de données, appelé Terapix, qui lui est dédié. Construit à l’IAP, Terapix est dirigé par Yannick Mellier lui-même. D’énormes moyens, en somme, à la mesure de l’enjeu de ces recherches : retracer les étapes qui ont fait de l’Univers ce qu’il est aujourd’hui. « En comparant la distribution de la matière dans l’Univers, nous pouvons mettre à l’épreuve les différents modèles cosmologiques et dire lesquels correspondent à nos observations. » Et c’est ainsi que nous en saurons plus sur nos origines.
L’enjeu de ces recherches : retracer les étapes qui ont fait de l’Univers ce qu’il est aujourd’hui.
La recherche, admet Yannick Mellier, lui prend pratiquement tout son temps. Lorsque, néanmoins, il réussit à s’offrir quelques heures pour lui, il en profite pour assouvir sa passion pour la littérature, l’histoire et la philosophie des sciences, et la sculpture. Question : qu’est donc devenue la lunette astronomique de ses premières observations ? « Je ne suis pas vraiment astronome amateur, alors, je l’ai donnée à une école. » Difficile de revenir aux petites lunettes lorsqu’on s’est habitué aux plus beaux observatoires du monde !