Les chauves-souris, sentinelles des changements en Méditerranée

Explorations

Bien que souvent mal aimées des populations, les chauves-souris s'avèrent être un allier précieux des paléoclimatologues et paléoécologues grâce à leurs déjections. Leur guano est en effet une archive intéressante en particulier en ce qui concerne le bassin méditerranéen, où diverses espèces prolifèrent. A l’aide de carottages dans les tas de guano parfois impressionnants situés dans les grottes, on peut en effet reconstruire les conditions environnementales et climatiques passées. Mais si l’analyse des isotopes stables (carbone, azote, souffre, oxygène, hydrogène comme indicateurs d’écologie et climat) des guano et poils des chauve-souris permet en théorie d’accéder à ces connaissances, d'un point de vue pratique, il faut d’abord connaitre les sources d'alimentation des chiroptères (chauve-souris), et notamment leur consommation d'insectes pour mener à bien ce travail.

Les chiroptères sont une composante majeure de la biodiversité. Ils régulent les populations d'arthropodes, la dispersion des graines et la pollinisation. En Europe, les chauves-souris sont insectivores, consommant jusqu'à 70 % de leur poids en insecte par nuit, un vrai insecticide naturel ! Leur «valeur économique» dans l'agriculture et la sylviculture est estimée à plusieurs milliards de dollars US/an. Ce service qu’elles rendent à l’Homme est cependant fragilisé puisque 25 % des espèces sont menacées ou quasi-menacées d’extinction dans le monde. Plusieurs facteurs comme l’intensification agricole, ou le stress hydrique sont à l’origine de ce déclin, qui risque de s’accélérer.

Une campagne d’échantillonnage a démarré en 2018. Une bâche étendue sous la toiture d'une magnanerie du Parc national des Cévennes  a permis de collecter mensuellement le guano de Rhinolophus hipposideros. Par ailleurs, des poils de 5 espèces de chiroptères1 au PNC et 2 en Sicile2 ont été prélevés. Nos premières données montrent des différences de régimes alimentaires entre les espèces : celles consommant des insectes terrestres3 , des araignées et diptères dans les milieux les plus humides4 ou des insectes aquatiques comme les diptères5 . Par ailleurs, des changements saisonniers importants sont parfois repérés. Ils pourraient être dus à des variations physiologiques tout le long de la chaine alimentaire (arbre-insecte-chiroptères).

Forts de ces données, nous sommes en mesure de mieux interpréter les isotopes mesurés sur les carottes de guano des grottes de Sicile datées au carbone 14 et aux isotopes du plomb. L’identification des restes d’insectes permettra aussi de compléter les reconstructions des variations du régime alimentaire des chauves-souris, des paysages et des climats au cours du temps. L’étude des chiroptères, sentinelles des changements du climat et des paysages méditerranéens d’hier, d’aujourd’hui et de demain, nécessite la mise en place d’un observatoire méditerranéen dédié aux relations chiroptères-insectes-végétation.  

  • 1Myotis daubentonii, M. emarginatus, M. nattereri, R. hipposideros et R. ferrumequinum
  • 2M. myotis & Miniopterus schreibersii
  • 3R. ferrumequinum, M. nattereri
  • 4M. emarginatus
  • 5R. hipposideros et M. daubentonii

Auteures et auteurs

Bentaleb Ia , La Mantia T.b , Grasso Rc ., Fonderflick Jd , Fourel F.e , Esposito Mf ., E. Filaitia , C. Lewisa , S. Canala , Belier Ld ., Costes Gd ., Descaves d ., Picq Hd ., Hérault Ed ., Malafosse J-Pd ., Boyer Jd ., Dugeperoux Fd ., Casamento G.g , Vattano M.b , Madonia G.b , Sturiale G.h , Bucolo C. i , Zafarana M., Falzolgher Dc

  • a a b c d UM, ISEM 5554, Montpellier, France
  • b a b c Università degli Studi di Palermo, Italia.
  • c a b Università degli Studi di Catania, Italia.
  • d a b c d e f g h i Parc National des Cévennes, Florac-Trois-Rivières, France
  • eUniversité Lyon 1, LEHNA, France
  • fU-Series srl, Bologna, Italie
  • gRiserva naturale “Grotta di Santa Ninfa”, Legambiente, Sicile
  • hRiserva Naturale integrale complesso Immacolatelle e Micio Conti, Sicile
  • iScuola Nazionale di Speleologia, CAI Catania, Sicile
Rhinolophus hipposideros © Jessicajil

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Au sein du programme MISTRALS, plus de 1000 scientifiques de 23 pays ont étudié l’environnement et les changements globaux dans et autour de la mer Méditerranée, et publié plus de 1500 articles scientifiques. Coordonné par le CNRS, Mistrals est un programme commun entre l’Ademe, le CEA, l’Ifremer, INRAE, l’IRD et Météo-France.  Retrouvez ici d'autres articles illustrant de ce grand programme. Lancé le 10 mars 2010, le programme de recherche Mistrals est arrivé à son terme. Retrouvez ici quelques articles illustrant ce grand programme.